Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oreille. « Est-ce le tonnerre ? » ai-je demandé. On m’a dit que c’était le Kabogo. Nouvelle question de ma part. « Le Kabogo, m’a-t-on répondu, est une haute montagne située sur la rive occidentale du Tanganîka, et trouée de cavernes profondes. Lorsqu’il vente sur le lac, il se fait dans ces grands trous un bruit pareil à celui du tonnerre. Beaucoup de bateaux ont péri en cet endroit ; et les indigènes, même les Arabes, ont la coutume d’y jeter de l’étoffe, mérikani et kaniki, ainsi que des perles, surtout des perles blanches, pour apaiser le mouloungou (le dieu) du lac. Ceux qui jettent des perles n’ont presque rien à craindre ; ils passent en général sans difficulté ; mais les gens qui ne le font pas sont chavirés et se noient toujours. Oh ! c’est un endroit terrible ! » Cette réponse m’a été faite par Asmani, toujours souriant, et m’a été confirmée par plusieurs de mes hommes, qui ont également navigué sur le lac.

Le Rougoufou, à la place où nous étions alors, est au moins à quarante-six milles de l’Oujiji ; de ce dernier point au Kabogo, situé, dit-on, près de l’Ougouhha, il y a plus de soixante milles. Ainsi le bruit des vagues, que nous entendions distinctement, nous est arrivé d’une distance de plus de cent milles.

Remis en route, nous avons marché pendant trois nouvelles heures, à travers des bois peu fournis, sur de grandes nappes d’une roche primitive, parmi des champs de rocaille, où se pressaient de gros blocs détachés ; puis, franchissant une fondrière, dont le terrain mouvant paraissait tourbeux, nous nous sommes arrêtés au bord du Sounouzzi.

Des bandes nombreuses de girafes, de buffles, de zèbres ont été rencontrées.

Notre bivac n’est pas à plus d’un mille d’un grand établissement de Vouahha. Mais la forêt nous enveloppe ; il n’y a dans le voisinage aucun sentier ; nous ne faisons pas le moindre bruit ; tout le monde garde le silence ; nous n’avons pas de feu. Soyons tranquilles ; personne ne viendra nous troubler.

Demain matin nous sortirons de l’Ouhha, le kirangozi l’affirme ; et si, dans la journée, nous pouvons aller jusqu’à Niamtaga, le lendemain nous serons à Oujiji.

Patience, mon âme ! Dans quelques heures nous saurons la fin de tout cela. Dans quelques heures je serai en face de cet homme blanc, qui a la barbe grise.

9 novembre. Nous avons quitté notre retraite deux heures avant le jour, et traversé la forêt dans la direction du nord-ouest. Nos