Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonnet des sages, je me suis mis à réfléchir. Au bout d’une demi-heure, mon plan était fait. Cette nuit même il sera exécuté.

Dès que le tribut a été payé, ce dont chacun s’est montré joyeux, bien que toute la diplomatie de Bombay, toute sa casuistique n’ait pu en faire descendre le chiffre qu’à vingt-six dotis, j’ai fait revenir les deux Vouangouana, et leur ai demandé le moyen d’éviter les chefs qui devant nous imposent la taxe.

Étonnés de la question, ils ont d’abord déclaré que ce n’était pas possible. Mais finalement, après de longs discours, l’un d’eux a répondu qu’à minuit ou un peu plus tard, il nous servirait de guide, et nous ferait gagner la jungle qui se trouve entre l’Ouhha et l’Ouvinza. Nous traverserons le fourré dans la direction de l’ouest, et nous arriverons à Oukaranga, sans plus avoir d’ennuis. Le guide est certain du fait, pourvu que le départ soit nocturne et que j’obtienne de mes gens un silence complet, afin de ne réveiller personne. Il a demandé pour salaire quarante mètres d’étoffe. Mais plus d’impôt d’ici à Oujiji ; pas même une choukka. Inutile d’ajouter que j’ai consenti avec joie.

La chose arrangée, il nous restait beaucoup à faire. D’abord à nous procurer des vivres pour les quatre jours que nous allons passer dans la jungle. J’ai envoyé aussitôt des hommes, avec de l’étoffe, acheter du grain à n’importe quel prix. Avant huit heures nous en avions pour six jours. Décidément le sort nous est favorable.

7 novembre. Je ne me suis pas couché. Un peu avant minuit, la lune commençant à paraître, mes gens ont quitté le village, par petits groupes de quatre à la fois. À trois heures toute la bande était dehors, sans avoir causé la moindre alarme.

À notre coup de sifflet, le guide est arrivé.

Nous avons pris au sud, longeant la rive droite du Kanengi. Une heure de marche dans cette direction ; puis la caravane a tourné au couchant, à travers la plaine herbue, sans dévier de cette ligne, en dépit des obstacles. De temps à autre d’épais nuages répandaient leur ombre sur la plaine déserte ; et l’obscurité, se joignant au silence, donnait à la situation un caractère effrayant.

« Jusqu’au moment où la lune, se levant au sein des nuées, déchira ses voiles ; et, reine majestueuse, jeta sur l’ombre son manteau argenté, d’un éclat sans pareil. »

Tous mes hommes marchaient bravement, sans murmurer, bien qu’ensanglantés par les herbes tranchantes. Enfin l’aurore a paru dans toute sa grâce, dans tout son charme. Le ciel nous a