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— À vous dira vrai, — si vous la rencontriez, je doute qu’il en fût content. Je sais bien que si Burton, ou Grant, ou Baker allaient le rejoindre, et qu’il en eût connaissance, il mettrait bien vite une centaine de milles impraticables, marais et fondrières, entre eux et lui ; quant à cela j’en suis certain. »

Le consul passait pour bien connaître celui dont il parlait ; je devais croire ses renseignements exacts ; et ils n’étaient pas de nature à augmenter mon zèle. Ai-je besoin de dire l’effet qu’ils produisirent sur moi ? Je me sentais abattu ; j’aurais volontiers résigné ma commission, n’était l’ordre formel qui m’avait été donné.

Mais lorsque j’avais consenti à chercher Livingstone, je savais bien que le sentier que j’aurais à suivre n’était pas jonché de roses. L’ordre était péremptoire ; je l’avais accepté. Qu’importait que je fusse repoussé comme un intrus, comme un rival interlope, un homme qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, et dont on fuit la présence ? Je n’en devais pas moins chercher le docteur, le trouver s’il était encore vivant, ou rapporter la preuve qu’il avait cessé de vivre. Mon devoir était là, ma volonté avec lui.

M. Kirk me dit obligeamment qu’il m’aiderait de tout son pouvoir et de toute l’expérience qu’il avait acquise ; mais je ne trouve ni dans mes notes, ni dans mes souvenirs, qu’il m’ait aidé en aucune manière. Disons qu’il ignorait le motif de mon voyage ; sans quoi je ne doute pas que sa promesse ne se fût réalisée. Il croyait que je n’avais d’autre intention que de remonter le Roufidji. Mais quel journal eût imaginé d’envoyer un de ses correspondants à la découverte des sources de cette rivière si peu intéressante ?

Peut-être faut-il en accuser le climat, qui, à Zanzibar, n’est pas le plus agréable du monde. Gens d’Europe et d’Amérique s’en plaignaient de tout leur cœur, et non sans motif : j’ai vu la moitié de la colonie blanche prise de maladie le même jour. Aux émanations putrides d’une lagune peu profonde, se joignent les ordures de toute sorte, abats d’animaux, débris de cuisine, poissons et mollusques, chats et chiens morts, restes humains non enterrés, charognes de toute espèce, qui font de cette ville l’endroit le plus insalubre. Quand on pense qu’il serait aisé de l’assainir, la nature en fournissant elle-même les moyens, on ne peut comprendre que le chef de l’État n’obéisse pas aux conseils de la raison.