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quittent pas leur pays pour combattre les peuples qu’ils trouvent dans leurs voyages ; ils n’achètent pas d’ivoire, ils ne font pas d’esclaves. Ils viennent en amis pour regarder les rivières, les lacs, les montagnes ; pour connaître les nations, les eaux, les forêts, les roches, les animaux qu’il y a dans vos contrées, afin de pouvoir dire à tous les blancs ce qu’ils ont vu au pays des noirs. Ils ne ressemblent en rien aux Arabes ni aux Vouangouana. Ils savent toute chose et sont très-forts. Ils ont de grands canons qui font le bruit du tonnerre ; des canons dont les balles, grosses comme la tête, vont frapper au delà de ce que vous pourriez voir. Rien qu’avec ces petits objets (montrant mes revolvers), je tuerais dix hommes plus vite que vous ne les compteriez. Nous sommes plus forts que les Vouahha ; cependant nous ne voulons pas la guerre. Je pourrais tuer Mionvou, et je lui parle amicalement. Être son ami et celui des noirs, tel est mon grand désir. »

Tandis que ces paroles leur étaient traduites, imparfaitement, je supposerais d’une façon intelligible, les Vouahha témoignaient par leur physionomie de l’impression qu’ils en ressentaient. Une ou deux fois la crainte se peignit sur leurs visages ; mais l’assurance de mes intentions pacifiques effaça toute marque d’inquiétude.

« L’homme blanc se dit amical, reprit Mionvou. Pourquoi alors reste-t-il sur la route ? Qu’il vienne dans notre village. Le soleil brûle. Mionvou ne parlera plus ici. Que l’homme blanc, s’il est vraiment notre ami, nous suive et nous accompagne à Loukomo.

— L’heure est venue de s’arrêter, répliquai-je. Il est midi ; vous avez rompu notre marche ; nous vous suivrons et nous camperons chez vous »

En disant ces paroles, je me suis levé et j’ai fait signe à mes gens de reprendre leurs charges. Il n’y avait pas moyen de faire autrement ; les messagers n’étaient pas de retour.

Arrivé chez lui, Mionvou se jeta par terre, à l’ombre fort restreinte des quelques arbres du village.

Sur les deux heures, revinrent les messagers.

« Il est bien vrai, dirent-ils, que le chef de Kahouanga a reçu les dix dotis, mais pour son propre compte, non pour celui du roi. »

Mionvou, qui évidemment a l’esprit subtil, et qui savait fort bien ce qu’il voulait, n’eut pas l’air d’écouter le message ; mais il s’était réveillé et faisait de menus fagots avec de petits brins de canne. Je m’étonnai vivement de la conduite du péager ; pour