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Le chef s’étant accroupi sur ses talons, posant à côté de lui son arc et ses flèches, tous ses gens l’imitèrent.

Je m’assis moi-même sur un ballot ; chacun de mes hommes en fit autant, prenant sa charge pour siège, et de manière à former, avec les autres, un demi cercle autour de moi.

Les indigènes étaient un peu plus nombreux ; mais au lieu des flèches, des lances, des massettes qui constituaient leur armement, nous avions des fusils, des carabines, des pistolets, des revolvers et des haches.

Pas un mot ; la plaine était d’un calme si profond, qu’on l’eut dite abandonnée de toute créature vivante. Au milieu de ce silence, le chef prit la parole.

« Je suis Mionvou, dit-il, le grand moutouaré du Kiményi, et le plus grand après le roi, dont vous voyez la demeure. » Il désignait un gros bourg, avoisinant des collines pelées, qui s’apercevaient au nord, à une dizaine de milles.

« Je suis venu pour parler à l’homme blanc, poursuivit le chef. Les Arabes et les Vouangouana, quand ils passent, ne manquent jamais de faire un présent au roi, c’est la coutume. Pourquoi l’homme blanc ne paye-t-il pas au roi ce qui lui est dû ? Pourquoi s’arrête-t-il sur la route ? Pourquoi ne vient-il pas à Loukomo, où il y a de la nourriture et de l’ombre, et où nous pourrions discuter la chose à notre aise ? L’homme blanc veut-il la guerre ? Il est plus fort que nous, je le sais. Il a des fusils et nous n’avons que des flèches et des lances ; mais l’Ouhha est une grande contrée et ses villages sont nombreux. Qu’il regarde autour de lui, partout c’est l’Ouhha, et bien plus loin que ses yeux ne peuvent voir, plus loin que ses pieds ne peuvent le conduire en un jour. Le roi de ce pays est très-fort ; mais il ne demande qu’à être l’ami des étrangers. Est-ce la paix ou la guerre que veut l’homme blanc ? »

Un murmure approbateur de la part des guerriers du chef accueillit ce discours, tandis que mes hommes faisaient entendre leur désapprobation, mêlée d’une certaine inquiétude.

Les paroles que j’avais entendu le général Sherman adresser aux chefs des Arapahoes et des Cheyennes, sur les rives de la Platte, en 1867, me revinrent à la mémoire, et quelque chose de leur esprit passa dans ma réponse.

« Mionvou, le grand moutouaré du Kiményi, me demande si je veux la guerre. Quand Mionvou a-t-il entendu dire que les hommes blancs se battaient contre les noirs ? Que Mionvou comprenne la différence qu’il y a entre les deux races. Les blancs ne