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Le soir nous entendîmes rugir les lions, comme à notre camp du Mtambou.

La marche suivante, faite à l’ombre crépusculaire d’une haute futaie, nous conduisit à un boma récemment établi par des Arabes qui se dirigeaient vers l’Ounyanyembé, venant de l’Oujiji, et qui avaient rebroussé chemin par crainte de Mirambo.

Dans cette longue étape, nous avions suivi la rive droite du Rougoufou, large cours d’eau paresseux, encombré de papyrus et de matétés.

La bouse et les traces de buffle abondaient ; on voyait également des pas de rhinocéros. Au fond d’un massif de grands arbres, situé près de la rivière, se trouvait une colonie de singes barbus, et d’un aspect léonin.

Le matin du 28, comme nous allions partir, nous vîmes passer un troupeau de buffles. Immédiatement chacun de nous fit silence ; mais la troupe avait déjà reconnu le péril. Nous n’étions pas à la rampée, qu’un bruit de tonnerre, produit par le galop de toute la bande, nous annonça l’inutilité de nos efforts.

Le 28 octobre la route eut lieu sur d’immenses nappes de grès et de mine de fer. L’eau n’était pas seulement rare, mais exécrable, et la famine nous regardait en face ; nous avions marché pendant six heures sans apercevoir le moindre signe de culture.

Selon les renseignements que nous tenions des indigènes, nous aurions dû arriver ce jour-là au Malagarazi ; mais d’après la carte de Burton, ou plutôt de Speke, nous en étions encore à deux longues étapes.

Le lendemain, presqu’à la sortie du camp, nous eûmes sous les yeux l’une des plus belles scènes que j’aie rencontrées en Afrique. Une vue sublime, mais peu encourageante : d’un côté des ravins sauvages, déchirant le pays dans tous les sens, bien qu’en général leur direction fut nord-ouest ; de l’autre des masses de grès, masses énormes et quadrangulaires, ou formant des tours, des pyramides, des mamelons, des cônes tronqués, des cirques hérissés de pointes, bosselés de rocailles et entièrement nus. De végétation nulle part ; excepté dans quelques fissures, et à la base d’escarpements rougeâtres, où un peu de terrain avait glissé.

Une longue série de descentes, parmi des roches désagrégées, des blocs menaçants, nous amenèrent au fond d’un ravin, dont les falaises se dressaient à mille pieds au-dessus de nos têtes. Dans ses nombreux détours, la gorge s’élargit et se transforma en une plaine inclinée au couchant. Mais la route que nous suivions