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lendemain. Cela ne faisait pas l’ombre d’un doute. Il en résulta que mes gloutons me prièrent de ne pas partir, de m’arrêter au moins le temps nécessaire pour qu’ils pussent se donner de la force en mangeant de la viande. Ma réponse fut qu’on partirait au lever du soleil, et que je ne m’arrêterais pas une heure de plus. Un cri général de « posho ! » (nourriture) s’éleva immédiatement. « Vous en avez pour trois jours, répliquai-je, si cela ne suffit pas, voilà une choukka ; allez en chercher. »

Mis en demeure de se rendre au village, ils plaidèrent la fatigue. Puis ils reprirent leurs sollicitations : du moment que je leur disais d’acheter du grain, il faudrait le moudre ; c’était un jour de halte que j’étais forcé de leur accorder. L’argument fut longtemps soutenu par les adorateurs de leur panse ; mais je fus inexorable.

Toute la nuit se passa à chercher le texte d’une nouvelle requête. Néanmoins Bombay et Mabrouki ayant eu l’ordre formel de ne pas se charger de pareilles demandes, sous peine de recevoir une correction qui leur ferait sentir la vigueur de mon poing, et Bombay n’ayant pas oublié le châtiment que lui avait infligé Speke, l’affaire n’arriva pas jusqu’à moi.

Le lendemain, dès que le soleil fut levé, je commandai la marche, et le fis d’un ton qui n’admettait pas de réplique.

Toute la bande était maussade ; la mauvaise humeur frisait la révolte ; mais comme la rébellion n’avait pas de prétexte, chacun finit par céder, bien qu’avec répugnance. On partit ; quand nous atteignîmes la source du Rougoufou, — c’était là que nous devions camper, — mes gens avaient oublié leur buffle ; et tout le monde avait l’air content.

En gravissant l’arc montagneux qui borde le bassin d’Immréra, au nord et au couchant, nous avions embrassé du regard, au sud et à l’est, une perspective étendue. Le caractère du paysage qui, dans l’Oukahouendi est toujours accidenté, toujours pittoresque, n’avait néanmoins rien de sublime.

Nous trouvâmes dans les plis de cette chaîne plusieurs bomas en ruine, qui paraissaient avoir été construits en temps de guerre.

Le mbembou (la pêche sauvage) abondait sur la route ; et à chaque instant, je voyais quelques hommes se détacher de la file pour aller faire provision de ces fruits, qui par endroits jonchaient la terre.

Un peu avant de nous arrêter, j’avais blessé un léopard, ce qui ne l’avait pas empêché de s’enfuir en bondissant.