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bout d’une heure de cette marche prudente, n’apercevant rien, je devins brave et me glissai dans l’une des cavernes épineuses. Bientôt je m’arrêtai sous un dôme de feuillage que les tiges de superbes mvoulés élevaient à cent pieds au-dessus de ma tête.

Que l’on se figure une enceinte impénétrable, un tapis d’herbe rase, de splendides colonnes soutenant, à une immense hauteur, une voûte d’émeraude, d’où tombait une lueur mystérieuse. Enfin un ruisseau coulant dans ce demi-jour, et babillant tout bas avec une douceur appropriée au calme sacré du lieu.

Qui eût osé profaner ce sanctuaire, déranger cette harmonie solennelle, troubler cette solitude bénie ? Au moment où je me disais : Personne au monde, je vis tout en haut, sur une branche, un singe qui paraissait à la fois surpris et indigné de notre présence. J’éclatai de rire et continuai, jusqu’au moment où des cris affreux semblèrent me répondre : une troupe de singes, cachée dans cette voûte sublime, et brusquement réveillée par moi, s’enfuyait avec d’horribles clameurs.

J’avais quitté mon sanctuaire et me retrouvais en plein soleil, cherchant une proie quelconque. Tout à coup je vis dans la forêt un sanglier rougeâtre, aux défenses énormes, qui pâturait paisiblement. Laissant Kaloulou derrière un arbre, jetant mon casque de liège derrière un autre, je me mis à la rampée. À quarante pas de la bête, je visai avec soin, et tirai à l’épaule. Le sanglier fit un bond effrayant se hérissa, et releva la queue : un aspect formidable. Tandis qu’il écoutait, l’oreille dressée, et fouillant du regard les alentours, je lui logeai dans la poitrine une balle qui lui traversa le corps. Au lieu de tomber comme je m’y attendais, il chargea avec fureur dans la direction du coup, passa devant moi, et reçut une autre balle qui le traversa de nouveau. Il continua sa route et n’était plus qu’à cinq ou six mètres de l’arbre derrière lequel se tenait Kaloulou, quand il s’arrêta subitement et tomba. Mais comme j’arrivais, le couteau à la main, pour lui ouvrir la gorge, il se releva, aperçut le petit nègre, et en fut détourné par mon chapeau dont la blancheur attira son attention. Cet objet bizarre le bouleversai il n’en put supporter la vue ; car il poussa un grognement d’effroi et se jeta dans le fourré, où il était impossible de le rejoindre.

La nuit arrivait, j’étais à trois milles de mes hommes ; il fallait revenir ; et bien qu’il m’en coûtât de rentrer les mains vides, nous reprîmes le chemin du camp, sans plus nous attarder. Pendant ce trajet nous fûmes accompagnés, sur la gauche, par un animal de