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Parmi les consulats, le plus important est celui de la Grande-Bretagne. À l’époque de mon voyage, il était occupé par le docteur John Kirk. J’avais le plus vif désir de voir ce gentleman ; il avait été le compagnon de Livingstone, et je me figurais que si quelqu’un pouvait me donner des renseignements sur l’illustre voyageur, ce devait être son consul et son ami.

Le deuxième matin qui suivit mon arrivée, obéissant aux exigences de l’étiquette zanzibarite, je sortis avec M. Webb, consul des États-Unis. Peu d’instants après, je me vis en face d’un homme assez mince, simplement mis, légèrement voûté, ayant la figure un peu maigre, les cheveux et la barbe noirs, et auquel M. Webb adressa ces paroles : « Docteur Kirk, permettez que je vous présente M. Stanley, du New-York Herald. »

M. Kirk souleva ses paupières et me regarda avec étonnement. Pendant l’entretien, qui roula sur divers sujets, sa figure, — je ne la quittais pas des yeux, — ne s’anima que lorsqu’il vint à parler de ses exploits de chasse. Il ne fut pas dit un mot de ce qui me tenait au cœur, et je dus attendre une nouvelle occasion pour interroger le consul.

Les Zanzibarites sont informés que « le docteur Kirk et mistress Kirk restent chez eux tous les mardis soir. » Les civilisés du pays ignorent, en général, les plaisirs de ces réunions ; mais la colonie européenne visite le consulat. Ce soir-là, précisément, le salon fut émaillé des plus hauts personnages.

Arrivé de bonne heure, avec le groupe américain, je pus entendre comment tout ce beau monde entamait la conversation. Chacun, après les saluts d’usage, demanda avec un profond intérêt aux maîtres de la maison s’ils avaient été à Nazi-Moya, et reçut une réponse négative ; car, ce jour-là, le consul anglais et sa femme n’avaient pas poussé leur promenade jusqu’à ce terrain classique.

« Oh ! reprit chacun, d’un air ravi et triomphant, je pensais bien ne pas vous y avoir vus.

— Qu’est-ce que c’est que Nazi-Moya ? demandai-je à M. Webb.

— Nazi-Moya, me dit cet aimable railleur, signifie Le Cocotier. On appelle ainsi un endroit situé derrière le Ras Thangani ; c’est un lieu de rendez-vous où nous allons tous jouir de la brise de mer. « Êtes-vous allé à Nazi-Moya ? » est notre manière habituelle d’ouvrir la conversation, vu l’extrême pénurie où nous sommes de sujets d’entretien. »

Le capitaine disait vrai ; la pénurie était effroyable ; et j’eus