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leuse, à en juger par le nombre des villages en ruines et celui des cases que le feu avait détruites.

Une jungle naissante remplaçait les cultures, et promettait avant peu une nouvelle retraite aux animaux de la forêt.

Misonghi, l’un de ces villages malheureux, fournit à mes hommes un gîte qui n’était nullement à dédaigner. Je rapportai des environs trois pintades ; Oulimengo y tua une antilope, que mes gens appelèrent mbahouala et dont la chair inspire à certains Vouanyamouézi une aversion superstitieuse. Cette antilope, qui a trois pieds et demi de hauteur, la robe rougeâtre, la tête longue, les cornes brèves, une longue crinière dorsale, la queue touffue et courte, me parait être le nzoe découvert par le capitaine Speke dans l’Ouganda, et qui a reçu du docteur Schlater le nom scientifique de Tragelaphus Spekii[1].

Une longue marche de six heures, à l’ouest nord-ouest, au milieu d’une forêt, où l’antilope noire[2] fut aperçue, et qui d’ailleurs est très-giboyeuse, nous conduisit au bord d’un ruisseau qui passe auprès d’une montagne cônique, dont le versant était couvert d’un manteau de bambous d’une extrême légèreté. Notre camp fut établi entre le ruisseau et l’une de ses pentes.

Le lendemain, ayant escaladé un chaînon d’une faible hauteur, qui part du pied de la montagne, nous eûmes sous les yeux un

  1. Le Nzoé que le capitaine Speke rapproche du léché, est une antilope aquatique dont les roseaux, les grandes herbes des marais forment l’habitat. Il est surtout caractérisé par des pieds d’une longueur exceptionnelle, de véritables raquettes, lui permettant de courir sur la vase, et qui lui rendent très-difficile la marche sur un terrain sec ; il fuit en bondissant et a bien vite gagné l’eau, dont il ne s’éloigne guère. Sa robe, également appropriée au milieu qu’il habite, a le poil long et rude, d’une solidité remarquable. (Voir les Sources du Nil, Hachette, 1864, p. 193.) Nous ne comprendrions pas que ces traits, d’autant plus frappants qu’ils sont opposés à ceux de la famille, eussent échappé à l’auteur ; il nous paraît plus probable qu’ils ne se trouvent pas chez le mbahouala, dont les cornes brèves, la longue crinière, la queue touffue paraissent seuls avoir appelé l’attention de Stanley. Le Nzoé de Speke a bien été rencontré par le capitaine pour la première fois au bord du Nyanza, mais il avait été découvert sur les rives du Chobé, en 1850, par Livingstone, qui l’a décrit sous le nom de Nakong. On a prétexté de quelques zébrures de la robe du spécimen rapporté par Speke, pour faire du Nzoé un nouveau tragélaphe ; mais ces zébrures, peut-être accidentelles, d’autant plus qu’elles se trouvaient chez un jeune, ne motivaient pas cette nouveauté scientifique. Le nakong et le léché, sont eux-mêmes de proches parents du waterbok (Egoceros ellipsiprymnus).
    (Note du traducteur.)
  2. Harrisbuck, égocère noir. Dispute à l’Oryx et au Coudou la palme de la beauté, disent Cumming, Harris, Méthuen, Baldwin, tous ceux qui l’ont vu dans son milieu pittoresque. Les montagnes nues, les précipices, les escarpements, les ravins boisés, les ruisseaux limpides, caractérisent les lieux qu’il préfère. Quelquefois il va par petits groupes ; mais généralement on le voit seul, « marchant avec lenteur, d’un air majestueux, comme s’il avait conscience de sa noblesse native. » (Note du traducteur.)