Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geait vers nous, conduite par un individu que sa coiffure et son vêtement nous tirent reconnaître pour un Zanzibarite. Les salutations échangées, cet individu m’apprit qu’il venait de la part de Simba, chef du Kaséra, province méridionale de l’Ounyamouézi.

Simba, ou le Lion, était fils de Mkasihoua, chef de l’Ounyanyembé, et se trouvait alors en guerre avec les Vouazavira, contre lesquels on m’avait mis en garde. Il avait entendu parler de mon opulence en des termes si pompeux, qu’il était désolé de me voir prendre une autre route que la sienne, perdant ainsi l’occasion de me témoigner son amitié. Mais puisqu’il n’avait pas l’avantage de recevoir ma visite, il m’envoyait cette ambassade, dans l’espoir que je voudrais bien lui donner une marque d’affection, sous la forme d’un présent d’étoffe.

Bien que surpris de cette demande, je crus qu’il était sage de me faire un ami de ce chef puissant, avec lequel je pouvais avoir maille à partir lors de mon retour ; et puisque je devais lui faire un cadeau, il fallait que celui-ci fût royal. J’envoyai donc à Simba deux choukkas splendides ; plus, deux dotis de cotonnade, l’un de kaniki, l’autre de mérikani ; et, si je dois en croire l’ambassadeur chargé de ce riche présent, je me suis fait du Lion de Kaséra un ami pour toujours.

Le 18 octobre, ayant levé le camp à l’heure habituelle, nous continuâmes notre marche au nord-ouest par un sentier qui suivait la base des montagnes, et dont les zigzags nous conduisirent au milieu de difficultés sans nombre ; douze ravins marécageux, où les pas des éléphants ont creusé des puisards dans lesquels on a de l’eau jusqu’aux épaules ; une eau du Styx, noire et fétide. La décence m’empêchait d’ôter mes vêtements ; le soleil, d’ailleurs, m’aurait couvert d’ampoules, si j’avais été nu ; et comme dans l’un de ces trous j’en avais eu jusqu’au menton, il me fallut achever l’étape avec des habits mouillés et revêtus d’une couche de boue noire et gluante. J’aurais pu me faire porter ; mais il aurait été cruel d’imposer cette charge à mes hommes, qui avaient déjà assez de leurs fardeaux. Le seul parti à prendre était d’appeler à mon aide toute ma philosophie, et d’aller stoïquement jusqu’au bout ; mais c’était peu agréable, pour ne rien dire de plus.

Nous entrâmes bientôt dans le pays redouté des Vouazavira ; toutefois, pas un ennemi à craindre. Simba, dans ses différentes campagnes, avait balayé tout le nord de la province ; et la seule chose qui frappa nos regards fut une contrée désolée, naguère popu-