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Vouamouarou. Ceux-ci en avaient été chassés, il y avait neuf ou dix ans, par Mkasihoua, à l’époque où il était en guerre avec Manoua Séra. Manoua était mort ; la lutte continuait avec d’autres. Son frère, appelé Niongo, avait traversé Mouarou la veille de notre passage, venant d’essuyer une défaite que lui avait Infligée Mbogo.

la chaîne qui bornait l’horizon, et que nous avions aperçue d’Outendé, fut gravie ce jour-là, 12 octobre. Le versant occidental de cette chaîne incline au sud-ouest, et porte ses eaux dans la Mréra, l’un des affluents du Malagarazi,.

Bien que nous fussions encore à douze ou quinze marches du lac, son influence se faisait déjà sentir. Les jungles devenaient plus épaisses, l’herbe d’une hauteur énorme ; elles nous rappelaient la végétation exubérante de l’Oukouéré et de l’Oukami.

Nous rencontrâmes en cet endroit une caravane qui venait directement de l’Oufipa ; elle avait entendu dire qu’un voyageur blanc était dans l’Ouroua ; je supposai que c’était Livingstone.

En sortant de Mouarou, nous entrâmes chez Mréra, qui avait été l’un des chefs les plus influents de cette région. Les hasards de la guerre avaient réduit ses domaines à quatre villages, enfouis dans la jungle, où ils se trouvaient défendus comme par une enceinte fortifiée. À leur entrée principale, neuf crânes blanchis, plantés sur autant de perches, annonçaient que les Vouakonongo (gens du pays) étaient en guerre avec les Vouazavira, dont le territoire se trouve plus à l’ouest, et que, d’après les Vouakonongo, nous devions éviter sous peine d’avoir à nous battre ; car ses habitants, disaient-ils, sont les ennemis de tous les Vouangouana.

Entre Mouarou et Mréra, nous aperçûmes, dans un étroit marécage, une petite bande d’éléphants. C’était la première fois que je voyais ces colosses dans leurs solitudes natales ; je n’oublierai pas de longtemps l’impression qu’ils me causèrent. Depuis lors, je tiens l’éléphant pour le roi des animaux. Ses énormes dimensions, la majesté avec laquelle il regarde l’intrus qui met le pied dans ses États, la conscience de sa force qui éclate dans tout son aspect, lui donnent, plus qu’à tout autre, le droit de réclamer ce titre.

La bande se trouvait à un mille du point où nous passions ; elle s’arrêta pour nous regarder ; puis elle se remit en marche, et entra dans la forêt d’un air indifférent, comme si une caravane était à ses yeux chose de peu d’importance. Que pouvaient être, en effet, pour ces libres seigneurs des bois, pour ces colosses formidables, une file de pygmées qui n’auraient pas eu le courage de les affronter dans une rencontre loyale ?