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tion de Zanzibar, dont ils composent la classe laborieuse, soit en qualité d’hommes libres, soit comme esclaves. Ces derniers cultivent les plantations, les jardins, les domaines des propriétaires du sol, ou bien font le métier de portefaix. Dans la campagne on les voit aller et venir, chargés d’énormes fardeaux qu’ils portent sur la tête. Leur figure est joyeuse ; non pas qu’ils soient bien traités ou que leur tâche soit légère, mais parce qu’il est dans leur nature d’être gais et insouciants ; parce qu’ils n’ont jamais rêvé d’autres joies que celles qu’ils pouvaient avoir, jamais caressé d’ambition qu’ils n’auraient pu satisfaire, et qu’ils ignorent l’amertume des espérances trompées.

Dans la ville, vous les voyez par couples, transportant les sacs de girofle, les caisses, les ballots de marchandises de tel magasin à tel autre, où de celui-ci au rivage ; allant pieds nus, et chantant quelque phrase monotone pour s’encourager mutuellement et pour se marquer le pas. La constance avec laquelle ils répètent le refrain qu’ils ont adopté vous les fait bientôt reconnaître. J’entendais passer plusieurs fois par jour le même couple sous les fenêtres du consulat : ni les paroles, ni la musique n’ont jamais varié. Il est possible que d’autres personnes eussent trouvé ces chants stupides ; pour moi ils n’étaient pas sans charme ; ils me semblaient d’ailleurs atteindre parfaitement le but auquel ils étaient destinés.

La ville de Zanzibar renferme près de cent mille âmes. J’estime que l’île entière n’a pas plus de deux cent mille habitants, y compris toutes les races.

Des bâtiments de commerce qui visitent le port, le plus grand nombre arrivent des États-Unis, surtout de New-York et de Salem (État du Massachussets). Après les américains viennent les allemands ; ensuite les français, puis les anglais. Ils apportent des cotonnades, de l’eau-de-vie, des mousquets, de la poudre, des grains de verre, du fil de laiton, de la porcelaine et d’autres menus articles. Ils s’en vont chargés d’ivoire, de copal, de clous de girofle, de cuirs bruts, de cauris, de sésame, de poivre et d’huile de coco.

La valeur des exportations est estimée à quinze millions de francs ; celle des importations à dix-sept millions et demi.

Les Européens et les Américains, résidant à Zanzibar, sont des agents officiels de leurs gouvernements, des négociants, trafiquant pour leur compte, ou les représentants de quelques grandes maisons de commerce d’Europe et d’Amérique.