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parfait. C’était toujours lui qui entonnait le chant des porteurs, ce chant qui, malgré la fatigue, malgré le soleil, faisait naître la gaieté et ranimait toute la bande. Sa voix entraînait toutes les voix ; le chœur éclatait, chœur sauvage, expression d’une vie débordante ; chœur puissant qui faisait retentir la forêt, et frémir tous ses hôtes à plusieurs milles à la ronde.

On approchait d’un village ; peut-être la population nous serait-elle contraire ; nous allions le savoir : Maganga se remettait à chanter, faisant repartir le chœur. Si nous avions affaire à des gens hostiles ou timides, les portes se fermaient tout à coup ; et, derrière la palissade, on nous jetait la menace ou l’injure. Si au contraire c’étaient des amis, ils accouraient à notre rencontre et il y avait échange de paroles cordiales.

Après moi, le membre le plus important de l’Expédition était Sélim, le jeune Arabe chrétien que j’avais amené de Jérusalem. Sans lui, je n’aurais pas pu m’entendre avec les Arabes que j’ai rencontrés sur ma route, et c’est à lui que j’ai dû leur bienveillance.

Il a été élevé par l’évêque Gobat, et il lui fait le plus grand honneur. Si tous les écoliers du bon évêque lui ressemblent, celui-ci mérite les plus grandes félicitations.

Je l’avais pris au mois de janvier 1870 ; depuis cette époque il ne m’avait pas quitté ; nous avions traversé côte à côte la Russie méridionale, le Caucase et la Perse. Bon Sélim ! fidèle et dévoué jusqu’à la mort ; sans peur et sans reproche. C’est lui qui m’a sauvé à Mfouto ; et en lui donnant ces éloges, je sens combien ils suffisent peu à exprimer le sentiment que j’ai des services qu’il m’a rendus.

On n’a pas oublié comment Kaloulou est entré dans la caravane, et de quelle manière il a reçu le nom qu’il porte. Je ne tardai pas à découvrir la facilité qu’il avait pour apprendre, et il fut élevé au rang de domestique. Impossible d’en mieux remplir les fonctions. Sélim lui-même, pour le service de la table, n’aurait pas eu cette promptitude à deviner ce dont j’avais besoin et à me l’offrir. On ne se figure pas l’adresse et la vivacité de Kaloulou. Ses petits yeux noirs allaient constamment d’un objet à l’autre, étudiant le problème à résoudre, cherchant ce qui allait être nécessaire et ce qui devenait inutile.

Une marche de quatre heures et demie, à partir de l’endroit où mes gens s’étaient arrêtés, et qui avait failli devenir le théâtre d’une scène tragique, nous conduisit au bord d’un étang où il n’y avait pas une goutte d’eau.