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ans ; un grand gaillard, aussi lèche que fanfaron. Mais, bien qu’adorant le plaisir, ne craignant pas le travail ; toujours gai, même les jours de fatigue. Avec cent hommes comme lui, j’aurais traversé l’Afrique, pourvu toutefois qu’il n’eût pas fallu se battre. On se rappelle l’ardeur belliqueuse dont il fut saisi en partant pour Mfouto, improvisant le chant de guerre, promettant la victoire ; et l’on sait avec quelle verve il prit la fuite dès qu’on parla de déroute.

Très-rapide à la course, bon chasseur et tirant bien, il a plus d’une fois rempli le garde-manger au moment où la disette rendait les provisions d’autant plus précieuses.

Férajji, l’ancien marmiton de Speke, avait jadis pris parti pour Baraka, dans la dispute dont nous avons parlé, et avait quitté le capitaine lorsque celui-ci s’était déclaré pour Bombay, aimant mieux perdre son gage que d’abandonner son ami. La désertion dé Bander Salaam, et l’incapacité d’Abdoul Kader me l’avaient fait prendre pour cuisinier. C’était un garçon de ressources. Fallait-il nettoyer la vaisselle, une rafle de maïs, un bouquet de feuilles, une poignée d’herbe lui servaient de torchon. Si l’assiette que je lui demandais portait l’empreinte d’un pouce gras et enfumé, il la frottait avec son doigt, et croyait que cela devait suffire. Lui rendais-je une cuiller, en lui disant qu’elle était sale, il pensait qu’avec un peu de salive et le coin de sa jupe crasseuse il la mettait en état de satisfaire le maître le plus difficile.

Mes exigences lui paraissaient excessives : je ne m’habituais pas au sable qu’il me faisait avaler. Pas un morceau de viande, pas une assiettée de bouillie qui n’en renfermât plus ou moins. Je lui dis un jour qu’en arrivant à Zanzibar j’irais trouver le docteur anglais, le grand docteur, qui m’ouvrirait l’estomac, y compterait les grains de sable qui s’y amassaient, et que mon cuisinier serait à l’amende d’autant de dollars qu’il y aurait de grains. La conscience du chiffre auquel s’élèverait ce calcul, et l’énormité de l’amende qui en résulterait, rendaient le pauvre Férajji quelquefois bien triste.

À part cela, un bon cuisinier, sinon très-savant, du moins actif et laborieux. Je commandais une halte ; moins de dix minutes après, j’avais une tasse de thé, et un certain nombre de crêpes, ce dont je lui était bien reconnaissant, car j’étais presque toujours affamé par la marche.

Maganga est un Mnyamouézi, natif de Mkouenkoué ; un homme très-fort, un serviteur fidèle, un excellent pagazi, d’un caractère