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bari et Bombay, enchaînés avec deux déserteurs, qui toutefois avaient des fers plus pesants.

Nous étions à peu près à une heure du point de départ, lorsque Ambari et Bombay, d’une voix tremblante, sollicitèrent leur pardon. Je fis la sourde oreille pendant une demi-heure ; puis je les remis en liberté, et je rendis à Bombay son grade de capitaine avec tous les avantages qui en découlaient.

Pendant que je suis sur le chapitre de mes hommes, faisons le croquis de ceux d’entre eux qui figureront le plus souvent dans les pages suivantes.

D’après le rang qu’ils occupaient dans la caravane, ces principaux personnages sont le capitaine Bombay, Mabrouki-Speke, le guide Asmani, Choupéreh, Oulimengo, Khamisi, Ambari, Djoumab, Férajji, Maganga, Sélim et Kaloulou.

Bombay doit aux écrits de Burton, de Speke et de Grant une réputation parfaite. Ces messieurs lui ont donné d’excellents certificats ; mais, j’ai le regret de le dire, il lui serait impossible de me les faire endosser. « La probité incarnée, » dit Burton dans le pompeux éloge qu’il fait de ce « rara avis. » Le fait est que Bombay n’est pas très-déshonnête. Il lui est arrivé quelquefois, en distribuant la viande, de mettre de côté la portion la plus forte pour son usage personnel ; mais, comme capitaine, il avait droit à la meilleure part. De même pour l’étoffe : sachant qu’il était surveillé de près, il ne s’est jamais approprié plus de cotonnade que je ne lui en aurais donné volontairement, s’il me l’avait demandée.

Attaché à la personne du maître, en qualité de domestique, il aurait été irréprochable. Mais comme djémadar il était hors de sa sphère. Trop de préoccupations, trop d’anxiétés. Il y avait des jours où il ne savait plus ce qu’il faisait ; oubliant l’instant d’après l’ordre qu’il venait de donner, et brisant ou perdant les objets qu’il avait sous sa garde[1]. En outre, aimant à discuter et disposé à

  1. C’est précisément ce qui a été écrit ; et les éloges, dont il est question dans les lignes précédentes, ont été donnés à Bombay, attaché à la personne du maître. Il était facile de ne pas en faire un chef ; surtout après ce qu’a dit Burton de son peu de mémoire, de sa maladresse, de son manque de décision. « Chez lui, pas d’action immédiate. Lui criait-on d’apporter ce qu’il tenait, il regardait de tous côtés, reculait d’abord et n’avançait qu’ensuite. » Un pareil homme n’est pas fait pour commander. Mais sa passion des travaux pénibles était si grande, « qu’il lui fallait toujours un fardeau sur les épaules, bien qu’il eût un porteur à ses ordres ; et quand on arrivait au bivac, il s’exténuait à dresser les tentes et à les rendre habitables pendant que son esclave, gros et gras, faisait un somme à l’ombre. » (Burton, Voyage aux Grands lacs, p. 552.) Ainsi, actif et laborieux pour les rudes travaux, qui rentraient dans ses aptitudes, Bombay n’a plus été qu’un indolent capitaine, aimant ses aises et méri-