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ainsi qu’on les appelle, ont beaucoup d’habileté pour surprendre la bête, et l’approchent de très-près, ce qui les met souvent en danger, mais ce que nécessite le peu de justesse de leurs armes.

Après la collation, qui consista en une tranche de springbok, une galette de maïs, galette toute chaude, et une tasse d’excellent moka, je me dirigeai au sud-ouest, accompagné de Madjouara et de Kaloulou, mes deux petits servants d’armes.

En rasant les buissons, je faisais prendre la fuite à de petites antilopes, des perpusilla, qui nous partaient sous les pieds comme des lapins. Le coucou indicateur sautillait d’un arbre à l’autre, en me jetant son appel, supposant que je cherchais le doux trésor dont il connaissait la cachette ; mais je ne souhaitais, ce jour-là ni miel, ni pygmées ; je voulais quelque chose de grand.

Des aigles-pêcheurs et des outardes posés sur des branches, d’où ils dominaient le lit sinueux du Gombé, s’envolaient à mon approche, croyant avoir à me craindre. Mais non ; rien qu’un zèbre, un élan, une girafe ou un buffle, au moins un caama, pouvait attirer ma foudre.

Après avoir suivi la rive du Gombé pendant à peu près un mille, repaissant mes yeux de la vue d’un long espace rempli d’eau, vue à laquelle j’étais étranger depuis si longtemps, je me trouvai tout à coup en face d’un tableau qui me ravit jusqu’au fond de l’âme : six, sept, huit, dix zèbres jouaient et se mordillaient les uns les autres, fouettant de leurs queues leurs belles robes tigrées, à une distance de moins de cent cinquante pas. Scène pittoresque et charmante, toute locale ; jamais je n’avais si bien compris que j’étais au centre de l’Afrique. J’eus un moment de fierté en me sentant possesseur d’un si vaste domaine, peuplé de si nobles bêtes. J’avais là, à portée de ma balle, les animaux les plus divers, l’orgueil des forêts africaines. Je pouvais choisir entre eux ; ils m’appartenaient. Ils étaient à moi, sans bourse délier, sans débat et sans conteste. Malgré cela, je baissai deux fois ma carabine ; il me répugnait de frapper ces bêtes royales.

Mais crack ! L’un d’eux est renversé, battant l’air des quatre membres. Quel dommage ! Vite, le couteau affilé dans ces bandes qui lui entourent la gorge. Oh ! l’affreuse blessure !

Tout est fini. J’ai à mes pieds un animal superbe. Hourrah ! je goûterai ce soir du zèbre de l’Oukonongo.

Un zèbre et un springbok me parurent suffisants pour un jour, surtout après une longue marche. Le Gombé, dont l’eau, profonde