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tout les hordes nombreuses d’animaux variés, paissant à belle portée de carabine. J’étais bien récompensé du long détour que j’avais fait vers le sud, et qui me permettait de jouir d’un pareil tableau. Pas de broussailles qui arrêtent le chasseur, pas de marais fétides qui le paralysent, et qui lui enlèvent jusqu’au désir de la poursuite ; mais la réalisation de tous les rêves du sportsman.

Dès que le site du camp fut choisi, près de l’une des auges qui se trouvent dans le lit du Gombé, je pris mon fusil à deux coups, et je m’en allai dans le parc.

Au sortir d’un massif, j’aperçus trois springboks[1], trois bêtes grasses, qui broutaient l’herbe à une centaine de pas. Je me mis à genou et j’appuyai sur la détente. L’une des trois mangeuses fit instinctivement un saut perpendiculaire, et retomba morte. Ses deux compagnes s’enfuirent, douze pieds franchis à la fois ; et, bondissant comme des balles élastiques, elles disparurent derrière un tertre.

Mon succès fut salué par les acclamations de mes soldats, que le bruit du fusil avait fait accourir. Celui qui portait mon arme de rechange planta son couteau dans la gorge du springbok, en prononçant un fervent bismillah ! en un clin d’œil il eut presque détaché la tête.

Les chasseurs de la bande furent envoyés au nord et à l’est pour ajouter à notre venaison. Il y a généralement, dans toutes les caravanes, des hommes qui ont pour mission d’approvisionner le camp du produit de leur chasse. Quelques-uns de ces fundis,

  1. Gazelle euchore, gazelle à bourse, gazelle de parade ; antilope pygargue, antilope sauteuse ; autant de noms qui lui conviennent, chacun exprimant un des traits qui la caractérisent. De vingt-quatre à vingt-huit pouces à l’épaule ; l’arrière-train un peu plus élevé ; quatre pieds de longueur ; un repli longitudinal sur la croupe, renfermant de longs poils blancs érectiles. « Fauve au repos, et d’un blanc neigeux lorsqu’elle fuit en ouvrant sa bourse. » Son départ est une série de bonds étranges : douze pieds de hauteur, l’aisance de l’oiseau, on dirait un vol. Après quelques-uns de ces bonds prodigieux, auxquels le déploiement de la bande neigeuse donne une apparence fantastique, la troupe se met à courir : un trot léger, rapide sans effort, des mouvements de tête pleins de grâce, un jeu plutôt qu’une fuite. La piste d’un lion, d’un chariot ; la trace d’un objet ou d’un être suspect, et d’un saut l’espace est franchi. Il faut lire dans les anciens récits de chasse ou de voyage, le tableau des migrations du springbok. Nous ne savons de comparable que le passage du pigeon voyageur, raconté par Audubon. Les mêmes termes sont employés dans les deux cas : « Ces légions coulaient à flots pressés et depuis des heures. » « La plaine, à perte de vue, n’était qu’une nappe vivante, dit Cumming. J’affirme que dans le seul champ de ma vision le nombre des springboks était de plusieurs centaines de milles. » Nous pourrions citer vingt témoignages non moins affirmatifs. (Note du traducteur.)
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