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dressés, globes et parasols feuillus, verts ou bruns ; forêts sur forêts, s’élevant, s’enfonçant et reculant toujours : un océan de feuillage.

Partout le même aspect. Au loin, une colline pouvait se dessiner vaguement, ou, çà et là, un arbre plus élevé que les autres se détacher sur le ciel translucide ; mais partout la même atmosphère, les mêmes teintes, le même soleil, jetant ses gouttes lumineuses dans les profondeurs des bois ; partout les mêmes lignes, le même horizon, partout des arbres : de jour en jour, de semaine en semaine. Carlyle a dit quelque part, à propos de Saint-Pierre de Rome, que si grand qu’il fût ce n’était qu’un fragment de coquille d’œuf, comparé à la voûte où resplendissent Arcturus et Orion. Je dis à mon tour que les parcs d’Angleterre et de New-York, si vastes qu’ils paraissent auprès des bosquets des grandes villes, ne sont que de minces fagots relativement à ces éternelles forêts.

Au bout de trois heures je fis faire halte ; mes gens paraissaient fatigués. Énervés par leur séjour à Kouihara, ils n’étaient pas encore réhabitués aux longues marches, et avaient besoin d’être remis en haleine. Au moment de repartir il s’éleva même plusieurs protestations ; mais quelques plaisanteries sur la paresse des opposants, plaisanteries faites de bonne humeur, remirent tout le monde en train ; et après quatre heures d’une nouvelle étape nous arrivions à Ougounda, vers deux heures de l’après-midi.

Nous étions alors sortis de l’Ounyanyembé, dont nous venions de franchir la frontière méridionale. Ougounda, situé dans le district du même nom, est un gros bourg qui peut compter quatre cents familles, environ deux mille âmes. Il est défendu par une estacade ayant embrasures, fossé et contrescarpe. Des bastions rapprochés, percés de meurtrières, d’où les tireurs les plus habiles peuvent viser les chefs ennemis, dominent cette enceinte, dont le bois a trois pouces d’épaisseur, et dont la base est protégée par un talus de quatre pieds d’élévation. Autour de la place, dans un rayon d’un mille ou deux, le sol a été dépouillé de tout ce qui permettait à l’ennemi de dissimuler son approche. Trois fois Mirarabo a essayé de prendre le village, trois fois il a été repoussé ; et les Vouagounda se vantent à juste titre d’avoir résisté au plus hardi forban qu’ait vu l’Ounyamouézi depuis plusieurs générations. Mais quelque braves qu’ils soient derrière leurs murailles, ils n’en partagent pas moins la crainte qui s’empare de tout Mnyamouézi en temps de guerre ; et bien qu’habituellement ils s’offrent en foule aux caravanes qui vont chercher l’ivoire dans