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bâtons, les bénissaient. Telle est la gloire dans l’Ounyamouezi. En échange de cette ovation, les heureux voyageurs parlèrent jusqu’à l’aurore suivante, racontant les merveilles qu’ils avaient trouvées au bord de la mer et dans l’Oungoudja, ainsi qu’ils appellent l’île de Zanzibar ; les grands vaisseaux des hommes blancs, la quantité de Vouasoungou qu’ils avaient vus ; puis les périls, les épreuves de la route, les dangers courus chez les Vouagogo ; enfin tous les incidents du voyage que nous connaissions alors, et que nous avons relatés nous-même dans les pages précédentes.

Nous levâmes le camp le 24 ; et après trois heures de marche au sud-sud-ouest, dans une forêt d’imbité, nous arrivâmes à Kigandou. Au moment où nous nous arrêtions devant ce village, qui était gouverné par la fille de Mkasihoua, nous fûmes avertis que pour y entrer il fallait payer la taxe. N’en voulant rien faire, nous nous retirâmes à un mille du bourg dans un vieux khambi, infesté par les rats, et où nous poursuivirent les invectives des indigènes, qui nous accusaient de fuir lâchement la guerre, et d’abandonner Mkasihoua à l’heure du péril.

Au seuil de la palissade, Shaw voulant mettre pied à terre, perdit les étriers et tomba de tout son long. Cette pantomime commençait à devenir trop fréquente. Lors donc que mes hommes se précipitèrent pour relever le maladroit, je leur donnai l’ordre de ne pas s’occuper de lui. L’insensé resta immobile, en plein soleil ; et quand, au bout d’une heure, je lui demandai s’il n’était pas dans une position peu confortable, il finit par s’asseoir et pleura comme un enfant.

« Vous voulez retourner à Kouihara, mister Shaw ?

— Oh ! oui, s’il vous plaît. Je ne pourrais pas aller plus loin ; et si vous étiez assez bon pour le permettre, je m’en retournerais avec joie.

— Très-bien, monsieur ; j’en suis venu à croire que cela vaudrait mieux pour nous tous. Ma patience est à bout ; j’ai fait tous mes efforts pour vous aider à surmonter ces misères, que vous entretenez dévotement. Vous vous figurez que vous ne pouvez pas faire la route, rien ne vous en dissuadera. Cependant, pesez bien mes paroles : si vous retournez là-bas, vous y mourrez. Qui vous soignera, si vous tombez malade ? Aujourd’hui vous ne l’êtes pas ; ce n’est que de l’hypocondrie ; mais si la fièvre vous prend, si vous avez le délire ? Comment saura-t-on ce qu’il vous faut ? Pas un des hommes que je peux vous laisser ne connaîtra ce dont vous aurez besoin, ce qui pourrait vous soulager, ce qui vous sera