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Vers le soir je fus repris de la fièvre ; elle me quitta avant le point du jour, mais en me laissant une faiblesse excessive. J’avais entendu la veille mes hommes causer autour des feux et s’entretenir de ce qui arriverait le lendemain. La plupart étaient d’avis que, puisque j’étais malade, on ne marcherait pas ; et tous de s’en féliciter. Une obstination superlative me poussait en avant, ne fût-ce que pour dépiter leur paresse. Mais quand, le matin, je sortis pour les appeler, il en manquait plus d’une vingtaine ; et Kéif-Halek, celui des gens de Livingstone qui était chargé des dépêches du docteur, n’avait pas encore paru.

Je choisis vingt des plus fidèles et des plus forts de ceux qui étaient là, et je les envoyai à la recherche des absents. En outre, je fis demander à Ben Nasib une longue chaîne à esclaves, que je priais le vieux cheik de me prêter ou de me vendre.

Le soir neuf des coupables étaient ramenés ; on ne retrouva pas les autres. En même temps, Sélim me rapportait une forte chaîne, à laquelle se trouvaient une douzaine de carcans, et Kéif-Halek arrivait avec les dépêches qu’il devait remettre à Livingstone.

Je réunis mes hommes, et leur montrant la chaîne : « Je suis, leur dis-je, le premier voyageur blanc qui ait mis cet objet dans ses bagages. C’est la désertion qui m’y force. Les bons n’ont rien à craindre ; cette chaîne n’est que pour les voleurs, qui, après avoir touché une partie de leur salaire, s’enfuient avec leurs charges, leurs fusils, leurs munitions. Jusqu’à présent je n’ai garrotté personne ; mais à compter d’aujourd’hui, si l’un de vous déserte, je m’arrêterai assez longtemps pour qu’on le retrouve, et il sera enchaîné jusqu’à la fin de la route. Avez-vous entendu ?

— Oui, maître.

— Avez-vous compris ?

— Oui, maître. »

Le camp fut levé à six heures du soir, et l’on se mit en marche pour Inésouka, où nous arrivâmes après une étape d’une couple d’heures.

Le jour suivant, quand il fallut partir, il nous manquait deux hommes : Asmani et Kingarou. Baraka et Bombay furent envoyés à leur poursuite, avec ordre de ne pas revenir sans eux. Nous passâmes la journée dans le village pour faire plaisir à Shaw, plus que par tout autre motif.

Les déserteurs furent ramenés dans la soirée ; c’était la troisième fois que Kingarou prenait la fuite. Le pardon n’était pas possible.