Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à le souffrir, non plus qu’à supporter ce qui retardait mon départ, je frappai Bombay de mon fouet de chasse, opération qui fit tomber sa colère, mais pleuvoir sur moi les remontrances des cheiks, mes prétendus amis :

« Arrêtez, bana, arrêtez ! ne le battez pas ; le pauvre homme sait mieux que vous ce qui l’attend, ainsi que vous-même, sur la route que vous allez prendre. »

Si quelque chose pouvait augmenter la fureur où m’avait mis l’insolence publique de Bombay, c’était bien cette intervention gratuite dans un fait qui ne regardait que moi. Je parvins cependant à me contenir ; mais je répondis très-haut que je n’entendais pas qu’on se mêlât de mes affaires, à moins qu’on ne voulût me chercher querelle.

« Non, non, bana ! s’écrièrent-ils. Nous ne voulons pas nous quereller avec vous. Au nom d’Allah ! partez en paix.

— Adieu donc, et prospérez, leur dis-je en leur tendant la main.

— Adieu, maître, adieu. Nous vous souhaitons tout le bonheur possible. Que Dieu soit avec vous et qu’il vous conduise ! »

La salve du départ fut tirée. Les guides élevèrent leurs drapeaux, et chaque porteur prit sa charge. Peu de temps après, au milieu des cris et des chants, la tête de la colonne avait tourné l’angle occidental du tembé, et suivait la route qui mène à l’Ougounda.

« Maintenant, Shaw, veuillez partir. Je vous attends, monsieur. Si vous ne pouvez pas marcher, montez à âne.

— Excusez-moi, monsieur Stanley ; mais j’ai peur de ne pas pouvoir vous suivre.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas ; mais je me sens très-faible.

— Moi aussi je suis faible ; ce n’est qu’hier, et assez tard, que la fièvre m’a quitté ; vous le savez vous-même. Ne reculez pas devant ces Arabes, monsieur ! Rappelez-vous la race à laquelle vous appartenez ; vous êtes un blanc. Sélim, Bombay, Mabrouki, aidez M. Shaw à se mettre à âne, et marchez auprès de lui.

— Oh ! bana, bana, dirent les Arabes, laissez-le ; ne voyez-vous pas qu’il est malade ?

— Reculez-vous, messieurs ; rien ne m’empêchera de l’emmener ; il partira. En marche, Bombay ! »

Le dernier de mes hommes était sur la route. Notre demeure, si récemment pleine d’animation, avait déjà l’aspect triste et morne