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voir la seule bougie qui m’éclaire, ne sont pas faites pour m’égayer. Je me sens comme entre deux murs de pierre, dans une prison sans issue.

Mais pourquoi me laisser prendre aux croassements de ces Arabes ? Un soupçon m’est déjà venu et se représente ; il y a là quelque motif caché ; ne s’efforcent-ils pas de me retenir, dans l’espoir que je les soutiendrai contre Mirambo ? Si tel est leur calcul, ils se trompent ; j’ai juré, et je tiendrai mon serment, j’ai juré de ne me laisser détourner de mon entreprise par quoi que ce soit, juré de poursuivre ma recherche jusqu’à ce que j’aie retrouvé Livingstone ; de ne revenir qu’avec un témoignage incontestable de son existence, ou avec la preuve qu’il a cessé de vivre. Personne au monde ne m’arrêtera ; la mort seule pourrait… mais non ; pas même la mort ; car je ne mourrai pas ; je ne veux pas, je ne peux pas mourir. Quelque chose me dit — je ne sais pas ce que c’est, — peut-être cette espérance vivace qui est en moi, peut-être cette présomption naturelle à une vitalité exubérante, ou un excès de confiance en moi-même, — je ne sais pas, — mais quelque chose me dit que je le trouverai. Écrivons cela plus gros : Je le trouverai ! je le trouverai ! Ces mots sont fortifiants. Je me sens mieux. Ai-je dit une prière… ? Je dormirai bien cette nuit. »

J’ai cru devoir donner ces pages telles qu’elles ont été senties à l’heure oh elles furent écrites. Mieux que toutes les descriptions que j’en pourrais faire, elles peignent le genre de vie que j’avais alors, et l’état moral qui en résultait. Elles n’ont rien d’exagéré ; c’est littéralement ce que j’éprouvais à cette époque ; elles témoignent d’accès de fièvre sans nombre, subis par moi et par mon entourage ; elles racontent nos périls et nos joies, nos ennuis et nos plaisirs tels qu’ils se sont produits.