Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

brise les plats, renverse les écuelles, et m’exaspère au point que j’en ai pour une heure à me remettre. Si je veux employer Férajji, qui est maintenant mon cuisinier, je ne trouve qu’une tête de bois, incapable de recevoir une idée, et je suis obligé de tout faire.

15 septembre. Trois mois bientôt que je suis ici ! Mais j’espère ne plus y être dans huit jours.

Mes soldats ont passé toute la nuit, jusqu’à neuf heures du matin, à chanter et à danser en l’honneur de ceux de leurs camarades dont les os blanchissent dans la forêt de Vouilyankourou.

Deux ou trois énormes jarres de pombé n’ont pas suffi à éteindre la soif qu’a fait naître ce violent exercice ; on est venu de très-bonne heure me mettre à contribution d’une choukka, afin de se procurer une nouvelle potée de bière.

J’ai passé toute ma journée à choisir les bagages que nous devons prendre, et à les faire mettre en ballots. La charge a été réduite à cinquante livres dans l’espoir que cela nous permettra d’aller un peu plus vite. Deux ou trois de mes porteurs sont très-malades ; il est à peu près sûr qu’ils ne pourront pas faire leur service ; mais d’ici à notre départ, j’espère pouvoir les remplacer ; j’ai trouvé depuis deux jours à louer dix pagazis.

16 septembre. Nos préparatifs sont presque terminés. Que Dieu le permette, et nous serons en marche avant la fin de la semaine. J’ai engagé deux nouveaux porteurs et deux guides : Asmani et Mabrouki. Si l’énormité du corps humain peut inspirer la frayeur, Asmani doit produire un effet terrifiant ; il a beaucoup plus de six pieds, sans chaussure, et des épaules à défrayer une couple d’hommes ordinaires.

Je donne demain un grand repas à mes gens, pour célébrer leur départ de cette malheureuse contrée.

17 septembre. Le banquet est fini. J’avais fait tuer deux bouvillons, et nous avons eu une barbacue[1]. Trois moutons, deux chèvres, quinze volailles, cent vingt livres de riz, vingt gros pains de maïs, cent œufs, dix livrés de beurre, plus, vingt-trois litres

  1. Ce mot désigne un cochon, un bœuf, n’importe quel animal mis tout entier sur le gril, après avoir été ouvert dans toute sa longueur, ou de barbe-à-queue. On l’a ensuite appliqué aux festins où se mangeaient ces énormes crapaudines ; et, par extension, ou l’emploie aux États-Unis (dans l’Ouest et dans le Sud) pour désigner un meeting auquel s’ajoute un repas en plein air. Il est possible que notre auteur lui ait donné toutes ces acceptions d’accommodement de la bête, de réunion et de festin à découvert. Si le mot devait se rapporter aux bouvillons, peut-être au lieu de dire : I had a barbacue, le texte porterait-il : I had them barbacued (je les ai eu barbacués). (Note du traducteur.)