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dit dotis pour le même trajet. Mon intention est de laisser à Kouihara soixante ou soixante-dix charges, et presque tout mon bagage personnel, dont je ne prendrai qu’un porte-manteau. Malgré cela j’ai besoin de cinquante hommes.

28 août. Pas de nouvelles de Mirambo.

Shaw est remis sur pied.

Ben Nasib est venu me rendre ma visite ; mais il n’a parlé que de philosophie d’ordre inférieur.

Après avoir étudié le pays, je suis résolu à prendre la route du sud, et à gagner le Tanganika en traversant le nord de l’Oukonongo et de l’Oukahouendi. J’ai informé Ben Nasib de cette détermination.

29 août. Shaw a fait aujourd’hui un léger travail.

Hélas ! tous mes plans si bien ourdis, mes beaux projets de traversée du Victoria N’Yanza et de descente du Nil sont, j’en ai bien peur, mis à néant par cette maudite guerre. Déjà deux mois de perdus. Les Arabes sont tellement longs à prendre un parti ! Des propositions, des conseils en masse, des paroles aussi nombreuses que les herbes de la vallée ; rien ne leur manque que de savoir agir. Khamis n’est plus là pour les entraîner. Ils ont perdu en lui leur guide et leur soutien. Où sont les autres guerriers, dont les bardes indigènes célèbrent les exploits ? Où est le puissant Kisésa, le grand Abdallah ben Nasib ? Où est Séid, fils de Médjid ? Kisésa est à Zanzibar, et Séid dans l’Oujiji, où il ignore que son fils, le brave Saoud, a été tué dans la forêt de Vouilyankourou.

Shaw se remet rapidement.

Je n’ai toujours pas de soldats. Il y a des heures où je désespère de pouvoir m’en aller. On est ici tellement lent, tellement endormi. C’est le pays du rêve. Zanzibarites, Arabes et indigènes, tous sont les mêmes : sans nul souci du temps qui passe. Leur demain signifie dans un mois ; c’est à en perdre la tête.

30 août. Shaw ne veut rien faire. Impossible d’en obtenir le moindre mouvement. Je le supplie, je le gâte, je lui prépare moi-même de petites friandises ; et pendant que je travaille de toutes mes forces, les nerfs et l’esprit tendus, pour activer notre départ, il reste là, les yeux plongés dans le vide. Un homme que j’ai vu si prompt, si adroit, si disposé à tout entreprendre !

Tantôt je suis allé m’asseoir à côté de lui, avec ma paumelle et mon aiguille ; et pour la première fois je lui ai parlé de ma véritable mission ; j’espérais l’encourager. « Vous croyez sans doute, lui ai-je dit, qu’on m’envoie au Tanganika pour en reconnaître la