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Les Vouasagara, qui ont à ce qu’il parait une crainte superstitieuse des morts, ont donné l’ordre à Iako de l’enterrer immédiatement. Iako, n’ayant pas la force de le porter, l’a traîné dans la jungle, où, d’après ce qui m’a été dit, il l’a laissé, dépouillé de tout vêtement et sans le recouvrir même d’un peu de terre. Quelques semaines plus tard, Iako avait cessé de vivre.

« L’un de nous trois est parti, mon pauvre Shaw ! qui maintenant le suivra ? » ai-je dit ce soir à mon compagnon.

14 août. Écrit plusieurs lettres. Shaw a été fort malade toute la nuit. Je ne crois pas que ce soit la fièvre ; je pense plutôt que c’est une crise aiguë d’une maladie vénérienne. Je n’ai pas de médicaments pour ce genre d’affection ; il a donc fallu en envoyer chercher. Trois de mes soldats sont partis pour Zanzibar, avec la promesse de cinquante dollars qu’ils recevront, chacun à leur retour, si le voyage s’est fait rapidement.

19 août. Mes soldats enfilent des perles. Shaw ne quitte pas son lit. On dit que Mirambo est en marche pour l’Ounyanyembé. Des Arabes sont partis ce matin pour Mfouto, avec leurs esclaves, afin d’en rapporter la poudre que Séid ben Sélim y a laissée.

21 août. Shaw est toujours malade. Cent foundos (mille rangs de perles) ont été enfilés. Ce matin, l’approche de Mirambo a été démentie par Ben Sélim, gouverneur des établissements arabes.

22 août. Mes soldats et moi, nous enfilions des perles, quand vers dix heures, un bruit d’artillerie s’est fait entendre dans la direction de Tabora. Nous avons couru à la porte ; les volées continuaient. C’était Mirambo qui, avec deux mille hommes, assiégeait Tabora d’un côté, pendant qu’un millier de Vouatouta, venus dans l’espoir du pillage, attaquaient la ville sur d’autres points.

Vers midi, les fugitifs sont accourus en foule, nous demandant protection. Ils nous ont appris que cinq Arabes des plus marquants ont été tués, et que parmi les morts est le brave Khamis ben Abdallah. J’ai voulu avoir des détails ; on m’a dit qu’au premier coup de feu, Khamis, accompagné de quelques Arabes qui se trouvaient alors chez lui, était monté sur sa terrasse et avait tourné sa lunette d’approche du côté de la fusillade. À sa grande surprise, il avait vu la plaine couverte de sauvages en marche, et à deux milles environ, près de Kazima, une tente dressée qu’il ne pouvait méconnaître, car c’étaient les Arabes qui l’avaient donnée à Mirambo, à l’époque où ils étaient bien ensemble.

Khamis était descendu, et, trouvant chez lui d’autres Arabes,