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village. Elle trouva sur sa route un jeune brigand endormi, et lui coupa la tête ni plus ni moins que s’il se fût agi d’une chèvre ou d’un mouton.

Pendant ce temps-là, un troisième corps, prenant au sud, rencontra un parti de batteurs de bois qu’il défit complètement. On le sut à Zimbiso vers le milieu du jour.

Dès le matin, j’étais allé trouver Ben Sélim pour lui représenter combien il était urgent de mettre le feu aux grandes herbes de la forêt, dans lesquelles l’ennemi pouvait se dissimuler. Mais en rentrant je fus repris de la fièvre, et le malheur voulut qu’on négligeât mon avis. De même, avant de me blottir sous mes couvertures, j’avais recommandé à Shaw et à Bombay de ne permettre à aucun de mes hommes de sortir du camp. Je sus plus tard que les deux tiers de la bande étaient partis pour Vouilyankourou.

À six heures, une nouvelle écrasante arriva à Zimbiso : tous les Arabes qui étaient avec Saoud, et plus de la moitié de leurs soldats, avaient été tués. Mes hommes rentrèrent, et j’appris que cinq de leurs camarades, parmi lesquels se trouvaient Barati, Oulédi, l’ancien serviteur de Grant, et le petit Mabrouki, étaient au nombre des morts.

Voici comment l’affaire avait eu lieu : les Arabes s’étaient promptement emparés de Vouilyankourou, qui avait fait peu de résistance. Cependant Mirambo et son fils étaient là ; mais loin de soutenir le siège, ils avaient abandonné la place aux vainqueurs ; et ceux-ci revenaient avec plus de cent dents d’éléphant, deux ou trois cents esclaves et soixante paquets d’étoffe, lorsque Mirambo et ses guerriers, cachés dans l’herbe de chaque côté de la route, s’étaient relevés brusquement et avaient frappé tous ces gens empêchés par le butin. Le brave Saoud avait tué deux hommes de ses deux balles ; il rechargeait son fusil, lorsqu’une asségaye l’avait traversé de part en part. Tous ses amis avaient eu le même sort.

Cette soudaine attaque d’un ennemi qu’ils croyaient avoir vaincu avait tellement effrayé nos hommes, que, jetant leurs trésors, ils s’étaient dispersés dans les bois, et n’avaient regagné Zimbiso qu’en faisant de longs détours.

L’effet de cette nouvelle fut indescriptible. Il n’y eut pas moyen de dormir, tant les femmes pleuraient bruyamment leurs époux. Toute la nuit elles hurlèrent des lamentations auxquelles se mêlaient, de temps à autre, les gémissements des blessés qui, sans être vus de l’ennemi, avaient pu se traîner dans l’herbe.