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L’Ouhyohoueh n’est pas à plus de quatre jours de Tabora. En une quinzaine l’affaire serait terminée ; du moins on le prétendait. J’offris mon concours et celui de mes hommes ; leurs charges seraient déposées à Mfouto, sous la garde de quelques-uns d’entre eux ; le reste de la bande viendrait avec moi. Lorsqu’on aurait battu Mirambo et ses Rouga-Rouga, le passage serait libre ; je continuerais ma route. Les Arabes ne doutaient pas du succès et je partageais leur enthousiasme.

La séance à peine levée, on apporta un énorme plat de riz, où les amandes, le cari, le citron, le raisin, les groseilles avaient été prodigués ; et ce fut merveille de voir avec quelle promptitude notre ardeur belliqueuse fit place à l’intérêt qu’excita ce mets royal.

N’étant pas musulman, je fus servi à part de ce même plat de riz, suivi d’autres plats chargés de poulet rôti, de kabok[1], de ris de veau, de crêpes, de galettes, de fruits, de sorbets, de limonade, de friandises venues de l’Oman, telles que raisin sec, boules de gomme, noix et prunes confites. Un diner qui prouvait que, si notre hôte avait l’âme guerrière, il n’en cultivait pas moins les goûts raffinés qu’il avait acquis à l’ombre des manguiers que son père possédait à Zanzibar.

Gorgés de tous ces mets d’une délicatesse peu commune, nous nous rendîmes, quelques Arabes et moi, chez Massoud ben Abdallah, qui nous montra la place où avait été la maison de Burton et de Speke, et où maintenant s’élevaient ses bureaux. La demeure de Snay ben Amir avait de même été abattue, et se trouvait remplacée par un tembé à la mode, avec solives aux fines sculptures, portes également sculptées, marteaux de bronze, chambres spacieuses, murailles épaisses : une maison bâtie à la fois en vue de la défense et du confort.

L’habitation la plus remarquable de l’Ounyanyembé appartenait à Amram ben Massoud, à qui elle avait coûté soixante frasilahs, ou deux mille cent livres d’ivoire, représentant plus de trois mille dollars. Il faut savoir, que dans le pays, avec la moitié ou même avec le tiers de la dite somme, on a une fort belle maison.

Celle d’Amram, qui s’appelait Bahrein (les Deux-Mers), avait cent pieds de long sur vingt pieds de haut. Un crépissage fait avec

  1. Sorte de pudding fait avec de la viande hachée menue et de la farine de froment, de riz ou de sorgho ; cette pâte, que les Arabes nomment Harisah, et qui dans cette région est leur plat de résistance, se mange, d’après Burton, avec du miel ou du sucre. (Note du traducteur.)