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satisfaction de lui trancher la tête[1]. Cette fois il cherchait à soulever les Arabes contre un certain Mirambo, et à leur faire prendre l’offensive dans une guerre qui semblait imminente.

Ce Mirambo paraissait être en état d’hostilités chronique avec tous les chefs du voisinage. De simple pagazi, il était parvenu au rang suprême avec cette habileté des coquins sans âme à qui tous les moyens sont bons pour s’emparer du pouvoir. Il commandait une bande de voleurs qui infestaient les bois de Vouilyankourou, lorsqu’il avait appris la mort du chef de l’Ouhyohoueh. Immédiatement il s’était rendu dans cette province ; et moitié par force, moitié par la terreur qu’il inspirait, il s’y était imposé en qualité de souverain. Quelques entreprises audacieuses, dans lesquelles ses partisans s’étaient enrichis, avaient affermi son autorité ; depuis lors son audace n’avait plus connu de bornes. Il avait porté la guerre dans l’Ougara et dans l’Ousagozi jusqu’à l’Ouvinza et à l’Oukonongo ; puis, ayant exterminé les habitants sur trois degrés de latitude, il avait cherché querelle à Mkasihoua, chef de l’Ounyanembé ; et il faisait un grief aux Arabes de ce qu’ils refusaient de le soutenir contre leur vieil ami.

En raison de ce grief, une caravane qui se rendait à Oujiji s’était vu taxer par le despote à cinq barils de poudre, cinq fusils et cinq balles d’étoffe. Après de vifs débats, qui avaient duré plusieurs jours, ce tribut exorbitant avait été payé ; mais la bande n’en avait pas moins reçu l’ordre de rebrousser chemin ; et Mirambo avait déclaré que, désormais, nulle caravane ne franchirait ses États, à moins de lui passer sur le corps.

Revenu dans l’Ounyanyembé, le chef qui avait subi cette avanie avait porté plainte devant Séid ben Sélim, gouverneur de la colonie arabe. Le vieux Séid, dont l’humeur était pacifique, avait tout mis en œuvre pour fléchir le tyran ; mais celui-ci n’avait rien voulu entendre, et répétait que le seul moyen de regagner ses bonnes grâces était de le soutenir dans la guerre qu’il préparait contre Mkasihoua.

« Telle est la situation, dit Abdallah au conseil. Mirambo n’en fait pas mystère : après avoir vaincu les Vouashenzi, il veut nous vaincre à notre tour. Il ne s’arrêtera qu’après avoir chassé les Arabes, écrasé Mkasihoua et pris l’Ounyanyembé. En sera-t-il

  1. Voir dans le journal du capitaine Speke (Les Sources du Nil, librairie Hachette, 1864), de la page 76 à la page 85, et pages 105 et 109, les détails de cette guerre odieuse. (Note du traducteur.)