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être près d’ici. N’est-ce pas chez Mousa-Mzouri qu’Hadji Abdallah et Spiki ont demeuré ?

— Oui, mais à Tabora.

— Alors où est Kazeh ? Je le demande à tout le monde, personne ne peut me le dire. C’est pourtant bien ainsi que les trois voyageurs ont nommé la place où vous les avez connus. Vous devez savoir où est Kazeh.

— Je n’ai jamais entendu ce nom-là. Mais, attendez : en kinyamouézi, Kazeh veut dire royaume ; peut-être ont-ils nommé ainsi l’endroit où ils se sont arrêtés en arrivant. Toujours est-il que je leur ai souvent rendu visite. Abdallah demeurait chez Snay ben Amir ; plus tard, Spiki et Grant occupèrent le tembé de Mousa Mzouri, et les maisons où je les ai vus sont toutes les deux à Tabora[1].

— Merci, cheik Séid. Maintenant je vous quitte ; il faut que j’aille retrouver mes hommes et que je leur fasse donner des vivres.

— Je vais avec vous, pour vous montrer votre demeure ; elle est à Kouihara ; et de chez vous à Tabora il n’y a qu’une heure de marche. »

  1. Ce n’était pas chez Snay ben Amir que logeait Burton, mais chez Ben Soliman, qui alors était en voyage, et dont la maison se trouvait à un jet de pierre de celle du premier de ces Arabes. L’erreur est insignifiante ; nous ne l’aurions pas relevée si elle n’indiquait chez Ben Sélim un défaut de mémoire par suite duquel il a pu oublier le nom de Kazeh. Que ce nom ait appartenu à l’endroit où ont demeuré Burton et Speke, cela ne fait aucun doute ; il ne s’agit pas là d’un lieu traversé à la hâte, mais d’une localité où ces voyageurs ont passé d’abord cinq semaines, où ils ont de nouveau séjourné à leur retour du lac : Burton pendant trois mois. C’est donc à bon escient qu’ils ont employé le nom de Kazeh ; pour eux l’erreur était impossible. D’autre part, le récit de Stanley n’est pas moins positif. Voici, pour nous, comment s’expliquerait le fait. La colonie arabe, dont nous parlons, ne date que de 1852. À cette époque Snay et Mousa vinrent s’établir à l’endroit qu’elle occupe, et qui alors était désert. Il se trouvait là une fontaine autour de laquelle ils élevèrent leurs demeures et leurs magasins ; cette fontaine s’appelait Kazeh ; son nom aura été celui du village naissant. Lorsque, cinq ans après, Burton et Speke arrivèrent, l’établissement ne comptait pas plus de cinq ou six tembés, dont les maîtres étaient absents pour la plupart. C’était un lieu de transît, qui pouvait avoir changé de nom, mais qui, pour Snay ben Amir et pour Mousa, devait conserver celui qu’ils lui avaient donné, et qui, peut-être, désignait simplement le groupe primitif formé par leurs résidences. Ces deux hommes considérables offrirent aux deux Européens l’hospitalité la plus généreuse, et ce fut avec eux seuls que nos voyageurs eurent des rapports suivis. Tous les détails que Burton a recueillis sur l’établissement des Arabes dans la Terre de la Lune lui ont été fournis par Snay ben Amir, d’où l’emploi qu’il fait du nom de Kazeh. En 1860, lors du second voyage de Speke, ce nom était tombé en désuétude dans le pays, mais consacré en Europe, ce qui a dû le faire garder par le capitaine et adopter par Grant. Tous les deux savaient du resté fort bien le sens du mot qu’ils employaient : « Kazeh, dit le capitaine Speke, est à pro-