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qui signifiait jadis : présent fait à un ami, et qui, maintenant, accompagné de menaces de guerre, est l’équivalent d’extorsion.

Trois routes franchissent l’Ougogo[1]. Celle du midi et celle du nord, qui a été suivie par nous, imposent au voyageur sept tributs, dont le total s’élève, pour une caravane de cent cinquante hommes, à cent soixante-dix-huit ou cent soixante-dix-neuf choukkas, près de trois cent soixante mètres d’étoffe[2]. Sur la route du centre, où le honga se paye huit fois, le total s’augmente de dix-neuf choukkas.

Mais ce chiffre n’a rien d’absolu ; et pour peu que le voyageur s’y prête, il le verra grossir de tous les lambeaux d’étoffe qu’on pourra lui arracher. Mvoumi, par exemple, lui demandera soixante choukkas et se trouvera magnanime d’exiger aussi peu d’un grand Mousoungou. Le voyageur fera donc bien de confier aux plus importants de ses hommes le soin de traiter l’affaire, et leur enjoindra de ne pas se compromettre en offrant trop vite un chiffre quelconque.

Le tribut n’est payé en cotonnade et autres étoffes que par les caravanes arrivant de la côte ; celles qui reviennent de l’intérieur l’acquittent généralement avec de l’ivoire et des houes en fer.

Physiquement et moralement, les Vouagogo sont supérieurs

  1. Le mot route ne doit s’entendre ici que de la direction prise pour aller d’un endroit à un autre, et ne désigne jamais, dans cette région, qu’une piste de vingt ou trente centimètres de large ; « piste frayée par l’homme dans la saison des voyages, et qui, suivant l’expression locale, dit Burton, meurt pendant la saison des pluies, c’est-à-dire s’efface sous une végétation exubérante. Dans la plaine déserte, la route présente quatre ou cinq lignes tortueuses ; dans les jungles, c’est un tunnel hérissé de grappins qui arrêtent les porteurs ; près des villages, elle est barrée par une estacade ou par une haie d’euphorbe. Quand la terre est libre, le sentier s’allonge par mille détours ; dans les endroits féconds, il se traîne au milieu des grandes herbes, traverse des marécages, des lits vaseux, aux berges escarpées ; et, miné par les insectes et par les rongeurs, devient un piège perpétuel. Dans la montagne, il disparaît au fond des ravins, s’arrête en face de côtes abruptes et se métamorphose en échelle de racines et de quartiers de roche mouvants. Ailleurs il est encore plus mauvais, et souvent on ne le reconnaîtrait pas sans les points de repère qui l’émaillent : arbres flambés ou écorcés, tessons de poterie et de gourdes, crânes et cornes de bœufs ou d’animaux sauvages, arcs et flèches tournés du côté de l’eau, portails en joncs, plates-formes, barricades, arbustes couronnés d’herbes, coiffes de coquilles d’escargots, etc. Dans les carrefours, une branche mise en travers, ou bien une ligne faite avec le pied indique le chemin qu’il faut prendre ; la ligne s’efface, la branche s’écarte ; on croît les voir où elles ne sont pas, on va de confiance et l’on s’égare. » (Burton, Voyage aux grands lacs, p. 293 et suivantes). (Note du traducteur.)
  2. Le texte porte 179 cloths. Nous croyons qu’il s’agit de choukkas (loin-cloths). (Note du traducteur.)