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les collines, et se déroule au faîte des rampes, d’où le regard suit les versants boisés, plonge dans les profondeurs du val, en fouille les gorges, se relève pour atteindre les sommets qui baisent le ciel, ou pour s’égarer dans une chaîne aux plis concentriques, dont l’aspect mystérieux et provoquant vous attire. Supposez que Byron ait vu quelques-uns de ces tableaux, il eût dit avec la même exactitude :

« Le jour commence à poindre ; avec lui apparaissent les monts sévères de l’Oudoé, les sombres rochers d’Ourougourou, et le pic de Kira, voilé à demi par la brume, sillonné d’eaux ruisselantes, et drapé de brun et de pourpre. »

Mais quels récits pourraient faire les échos de cet éden ! Quels cris de désespoir n’ont-ils pas dû entendre, lorsque attaqués à l’ouest et au nord par les Vouaségouhha, au levant par les traitants de Vhouindé et de Saadani, les Vouadoé, malgré leur bravoure, se sont vus, à cent reprises différentes, enlever leurs femmes et leurs enfants, puis arracher leurs districts, qui, l’un après l’autre, passèrent aux mains des ravisseurs. Car les femmes et les enfants de l’Oudoé, bien supérieurs au physique et au moral à tous ceux des races serviles du voisinage, étaient avidement recherchés pour le harem et pour la domesticité. De là cette chasse active, faite avec les mousquets fournis par les traitants, et contre lesquels la bravoure demeurait impuissante. »

C’est dans l’Oudoé que nous avons observé pour la première fois des marques nationales, caractéristiques de la tribu. Là, elles consistaient en une ligne de points, descendant de chaque côté du visage, et dans l’écornement de la tranche interne des deux incisives médianes de la mâchoire supérieure.

Les armes de cette tribu, pareilles à celles des Vouakouéré et des Vouakami, se composent d’un arc, ayant des flèches savamment barbelées, d’une couple d’assegayes (sorte de javelines), d’un grand couteau, d’un bouclier, d’une petite hache, et d’un casse-tête, arme de jet, qui, lancée avec adresse au front de l’ennemi, porte un coup étourdissant et quelquefois mortel.

En débuchant des forêts de Mikéseh, on entre chez les Vouaségouhha ou Vouaségoura, ainsi que prononcent les Arabes, et après eux le capitaine Burton, qui adopte cette orthographe vicieuse[1].

  1. Burton reconnaît cette altération des noms indigène par les Arabes ; mais comme les naturels, dit-il, n’ont pas de règle arrêtée ; comme il arrive que la prononciation diffère parfois d’une tribu à l’autre, sinon dans la même peuplade, tandis