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clairement à nos yeux, aussi belle que la plus belle des perles océanes. Une terre basse, mais non plate. Çà et là des collines, aux doux contours, s’élevant au-dessus du panache des cocotiers qui bordent la rive ; et à d’heureux intervalles, des plis ombreux indiquant où ceux qui fuient le soleil peuvent trouver de la fraîcheur. Excepté la bande de sable, où l’eau d’un vert jaunâtre se roule en murmurant, l’île entière paraît ensevelie sous un manteau de verdure.

Plusieurs daous, les voiles gonflées, vont et viennent dans le canal. Au-dessus de l’horizon, vers le sud, apparaissent les mâts de quelques vaisseaux ; tandis qu’au levant se groupent des maisons blanches, au toit plat. C’est la capitale de l’île ; cité compacté et assez grande, offrant tous les caractères de l’architecture arabe.

Sur quelques-unes des plus grandes maisons du quai, flottent le drapeau rouge du sultan, et ceux des divers consulats. Dans le port se trouvent cinq vaisseaux de guerre : un anglais et quatre zanzibarites. Il y a en outre huit bâtiments de commerce : deux américains, un français, un portugais, deux anglais et deux allemands. Enfin de nombreuses daous, venant de Johanna, de Mayotte, de Mascate et du Cotch, barques arabes servant de transports entre l’Inde, le golfe Persique et Zanzibar.

Le capitaine Francis R. Webb, officier de marine et consul des États-Unis, me fit l’accueil le plus cordial et m’offrit une hospitalité des plus complètes. S’il ne m’avait pas rendu cet éminent service, il m’aurait fallu consentir à prendre la table et le gîte dans la maison Charlet, ainsi nommée de son propriétaire, un Français à nez corbin et fort original, très-connu dans l’île pour héberger les allants et les venants qui n’ont pas le sou ; homme excentrique, dont l’active bonté se manifeste sans cesse, tout en se dissimulant sous un front très-rude. Autrement, j’en aurais été réduit à planter ma tente sur la grève de cette île tropicale, ce qui n’était nullement à désirer.

Douze heures de séjour à Zanzibar me firent voir l’entière ignorance où j’étais des hommes et des choses du monde africain. J’avais lu Burton et Speke d’un bout à l’autre, je me figurais les avoir compris, et par suite m’être pénétré de la grandeur et des difficultés de l’œuvre que j’allais entreprendre. Mais tout ce que j’avais conçu d’après les livres était simplement ridicule. Idées fantaisistes, plaisirs rêvés, attractions africaines, furent bientôt évanouis, et le réel m’apparut dans toute sa crudité.