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« Le Roubouga, dit Burton, est renommé pour sa viande, pour son laitage, son beurre fondu, son miel, et nous y fîmes bonne chère[1]. » On pouvait encore juger de l’ancienne richesse de ce territoire par l’étendue de ses cultures. De chaque côté de la route, sur un espace de beaucoup de milles, les champs de grain se succédaient, mûrissant leurs épis au milieu des gommiers, des mimosas, des cactus, qui bientôt devaient les faire disparaître. C’était là tout ce qui restait de la prospérité de ce district autrefois si populeux, si riche en troupeaux et en abeilles. Où avaient été ses nombreux villages, nous ne trouvions plus que des ruines : argile noircie, charpentes carbonisées. Plus d’habitants, plus de bétail ; on les avait emmenés dans le nord, à trois ou quatre jours de leurs maisons détruites et de leurs champs dont les récoltes, restées pendantes, s’étaient ressemées, en attendant qu’elles fussent étouffées par la jungle.

Une soixantaine de Vouangouana étaient venus s’établir dans ces lieux, où ils faisaient le commerce d’ivoire, et trouvaient leur nourriture dans les champs abandonnés. Ce fut dans leur village que nous nous arrêtâmes. Malgré la fatigue de cette longue marche, tous les pagazis étaient arrivés à trois heures.

Je rencontrai là Amir ben Sultan, un de ces types de vieux Orientaux comme on en voit dans les livres : longue barbe blanche et figure vénérable. Amir retournait à Zanzibar, après dix ans de séjour dans l’Ounyanyembé. I l me donna une chèvre, présent très-respectable dans un endroit où cet animal se vend cinq choukkas ; et il y ajouta un sac de riz.

Le jour suivant fut un jour de repos. J’expédiai un de mes soldats à Ben Nasib et à Séid ben Sélim, les deux grands dignitaires de la colonie arabe, pour leur annoncer ma venue prochaine ; et le lendemain nous nous dirigeâmes vers Kigoua.

La route se fit au milieu d’une forêt pareille à celle que nous avions traversée dans les dernières étapes[2]. À mesure que nous avancions vers l’ouest le terrain s’élevait rapidement.

    teurs appuient leurs ballots contre un arbre et se pelotonnent comme les chiens dans les moindres places où il y a de l’ombre ; c’est alors qu’ils désertent ; et si le maître fait bien, il n’entrera que le dernier au bivac. » (Note du traducteur.)

  1. Voyage aux grands lacs, page 275.
  2. Ces forêts sont composées de mimosas, de gommiers, de bauhinias, de cactus quadrangulaires, de mtogoués (sorte de strychnos] clair-semés sur un sol onduleux dépourvu de buissons et de grandes herbes, et où la marche est facile. Bien qu’elles soient peu épaisses, leur traversée n’est pas toujours sûre. Lors du passage de Burton ces bois étaient infestés par les brigands. Msimbira, chef de la province septentrio-