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Quand je m’éveillai, il était grand jour ; le soleil me flamboyait dans les yeux. Hamed était parti depuis deux heures. Il avait voulu emmener Thani, qui avait refusé de le suivre, en lui montrant sa déraison, et qui me demanda ce que j’en pensais. Je déclarai que c’était de l’extravagance ; et, à mon tour, je demandai au vieux cheik si, dans l’après-midi, nous ne pourrions pas gagner l’endroit où il y avait de l’eau et des vivres.

« Parfaitement, répondit l’Arabe.

— N’y aurait-il pas, d’ailleurs, moyen de se procurer le nécessaire à Ounyambogi ? continuai-je.

— Je ne m’en suis pas occupé, répliqua le vieux cheik, ou plutôt je n’ai pas eu besoin de le faire ; les habitants m’ont appris d’eux-mêmes qu’il y avait chez eux du millet, du sorgho, du maïs, des chèvres, des moutons, de la volaille en abondance, et d’un bon marché inconnu dans l’Ougogo.

— Eh bien, dis-je à Thani, si Hamed a envie de tuer ses porteurs, pourquoi ferions-nous de même ? Je ne suis pas moins pressé qu’il peut l’être ; mais l’Ounyanyembé est encore loin ; et je n’entends pas compromettre mes intérêts, et ceux de mes gens, pour le plaisir de faire une sottise. »

Jamais station n’avait été meilleure ; une eau excellente ; et, ainsi qu’on l’avait dit au vieux cheik, les vivres en abondance : six poulets pour deux mètres de calicot ; un mouton pour le même prix, ou six mesures de grain, sorgho, millet ou maïs — bref, un pays de cocagne.

Le 10 juin, après quatre heures et demie de route, nous arrivâmes à Kiti, où nous retrouvâmes Hamed plus agité que jamais. Son esclave favorite venait de mourir, et trois de ses porteurs avaient disparu, eux et leurs charges, emportant les tuniques (au nombre de cinq), les gilets brodés d’or, les vestes galonnées d’argent avec lesquels cheik Hamed devait faire dans l’Ounyanyembé la figure qui convenait à un homme de sa sorte. Outre ses habits d’apparat, le petit cheik perdait du riz, des plats à pilau, des bassins de cuivre et deux balles d’étoffe. Le curieux de l’affaire, c’est que tout en gémissant il ne voulait pas avouer son chagrin. « Que faites-vous ici, cheik Hamed, lui avait demandé Sélim ? Je vous croyais bien loin devant nous.

— J’attendais mon ami, répondit-il. Pouvais-je le laisser derrière moi ? »

Les provisions abondaient également à Kiti, et ne s’y vendaient pas cher. Cette bourgade était alors peuplée de Vouakimbou,