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de révolte. L’ordre fut donné aux soldats de charger leurs mousquets, de longer la caravane, et de tirer sur le pagazi qui essaierait de prendre la fuite. Je saisis mon fouet, je descendis de mon âne, et allant à celui qui s’était déchargé le premier, je lui dis de reprendre son ballot et de se mettre en marche. Il n’en fallut pas davantage ; tous mes hommes suivirent le guide.

Me tournant alors du côté des Arabes, je me disposais à leur faire mes adieux, lorsque Thani s’écria : « Attendez-moi, Sahib. J’en ai assez de ce jeu d’enfant ; je vais avec vous. » Et sa caravane fut dirigée vers la mienne.

À ce moment-là, celle d’Hamed touchait au défilé ; tandis que son maître, à un mille derrière elle, pleurait à chaudes larmes de ce qu’il appelait notre abandon. Ayant pitié de sa détresse, car la pensée du chef de Kiouhyeh lui faisait perdre la tête, je lui donnai le conseil de courir après sa bande, et de lui rappeler que le susdit chef n’avait pas moins de cruauté que d’avarice. Bref nous n’avions pas gagné le défilé de Kiti, que les gens d’Hamed accompagnaient les nôtres.

La montée fut extrêmement rude : une pente escarpée et rocailleuse, couvertes des épines les plus acérées, les plus aiguës. L’acacia horrida, plus horrible que jamais, nous faisait mille blessures ; les gommiers étendaient leurs branches pour saisir les fardeaux ; les parasols des mimosas nous protégeaient de leur ombre, mais nous empêchaient d’avancer. Des croupes de granit et de syénite, usées par le passage de pieds nombreux nous opposaient leur surface polie, qu’à notre tour il fallait gravir. Ailleurs des plates-formes dressaient leurs murailles terreuses, hérissées de gros blocs, vacillant sous l’effort des grimpeurs ; tandis que le bruit lointain de coups de feu, retentissant dans la forêt, ajoutait l’effroi au mécontentement général. Si je ne les avais pas suivis de près, tous mes Vouanyamouézi auraient déserté.

Bien que le sommet ne fût qu’à huit cents pieds au-dessus de la plaine, il nous fallut deux grandes heures pour y arriver. Nous nous trouvâmes alors sur un plateau où la comparaison nous fit trouver la marche facile. Trois heures de route dans une forêt, à travers des jungles et d’étroites clairières, nous conduisirent à Mouniéka, petit village fondé par des colons, venus de Moukoudoukou, et dont les alentours présentent de riches cultures.

Lorsque nous atteignîmes le camp, tout le monde était de bonne humeur, excepté Hamed, qui bientôt se fâcha tout-à-fait. Il arriva que les hommes de Thani dressèrent la tente de leur maître un