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si étonnantes, et qui avaient des armes surnaturelles, « faisant boum-boum aussi vite que l’on peut compter ses doigts, » les gens qui accoururent formèrent une foule si nombreuse qu’il me parut impossible que la curiosité fût le seul but de leur réunion. Je m’arrêtai pour demander ce qu’il y avait et pourquoi on faisait tant de bruit. Un gros homme, prenant mes paroles pour une injure, tendit immédiatement son arc. Il n’avait pas fini, que mon Winchester, avec toutes ses balles en magasin, était à l’épaule, et n’attendait que le départ de la flèche pour envoyer ses messagers de mort à la foule. Mais cette dernière s’enfuit aussi vite qu’elle était venue, laissant mon agresseur et deux ou trois autres à une portée de pistolet de mon raïfle.

La dispersion instantanée de la multitude, me fit éclater de rire et baisser ma carabine. Les Arabes, non-moins alarmés par cette fuite qu’ils ne l’avaient été des excès précédents, s’employèrent comme médiateurs, démarche qui fut couronnée de succès.

Quelques mots d’explication ramenèrent les curieux en plus grand nombre ; et le noir Thersite, qui avait été la cause du trouble, se retira honteux et confus sous la pression de l’opinion publique.

Il vint alors un homme important, qui chapitra la foule : j’appris plus tard que ce personnage était le second du district.

« Vouagogo, s’écria-t-il, ne savez-vous pas que ce Mousoungou est un Mtémi ? (chef du rang le plus élevé.) Il ne vient pas ici comme les Arabes pour acheter de l’ivoire, mais pour nous visiter et pour nous faire des présents. Pourquoi le tourmentez-vous, pourquoi troublez-vous son peuple ? Laissez-les passer en paix, lui et sa caravane. Si vous désirez le voir, approchez-le, mais sans vous moquer de lui. Le premier d’entre vous, écoutez-bien, le premier qui fera du désordre, sera dénoncé à notre grand-chef, qui saura comment ses amis sont traités. »

Nous arrivâmes au Khambi, qui, dans l’Ougogo, est toujours situé sous un grand baobab, à un millier de pas de la résidence du chef.

Les curieux nous entouraient en si grand nombre et nous serraient de si près, que le bon Thani résolut de faire une démarche pour nous délivrer de cette invasion, ou pour la rendre moins gênante. Il mit son plus beau costume et alla chez le sultan pour lui demander protection. Complètement ivre, le sultan l’accueillit par ces mots : « Que me voulez-vous, gredin que vous êtes ? Vous venez me dérober mon ivoire ou mon étoffe. Allez-vous-en, vieux voleur ! » Mais son ministre, l’homme sensé qui