Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes armes et déchargeai le raïfle à répétition, dont je tirai vivement les seize coups pour lui en faire comprendre la force meurtrière. Il resta confondu. « Les Vouagogo, dit-il enfin, ne pourraient jamais tenir en bataille devant le Mousoungou ; car n’importe où serait l’un d’eux, avec un pareil fusil il ne tarderait pas à être tué. »

Après cela, je lui montrai les carabines et les revolvers dont je lui expliquai le mécanisme, jusqu’au moment où, dans un élan d’enthousiasme pour mes richesses et pour ma puissance, il me dit qu’il m’enverrait une chèvre ou un mouton, car il voulait être mon frère. Je le remerciai de l’honneur, et lui promis de faire bon accueil à ce qu’il lui plairait de m’offrir.

Thani, qui me servait d’interprète, me souffla qu’un chef de l’Ougogo ne devait jamais partir les mains vides. Je coupai deux mètres de kaniki et les donnai à mon visiteur. Après avoir examiné et mesuré l’étoffe, le chef me la rendit, ajoutant que le Mousoungou était trop riche pour s’avilir en ne lui donnant qu’une choukka. Cette exigence, succédant à la perception d’un tribut de douze dotis, me sembla raide ; toutefois, comme le solliciteur devait me faire un présent, la seconde choukka lui fut accordée.

Fidèle à sa promesse, le chef m’envoya en effet un gros mouton, dont l’énorme queue était une pelotte de graisse ; mais l’envoi était accompagné de ce message : « Maintenant que vous êtes mon frère, vous allez me donner trois dotis de belle étoffe. »

Un mouton ne se vendant qu’un doti et demi, je refusai la bête ainsi que l’honneur fraternel, et je rappelai au chef qu’en surplus du honga, il avait reçu de moi un doti qui me paraissait un cadeau suffisant, tous les dons ne pouvant pas être du même côté. L’affaire n’eut pas d’autre suite.

Un de nos ânes mourut dans l’après-midi. Le soir les hyènes vinrent en grand nombre pour dévorer le cadavre. Oulimengo, notre chasseur, et, parmi nos soldats, ceux qui tiraient le mieux, prirent leurs fusils, et tuèrent deux des convives, qui se trouvèrent de la plus grande taille. L’une de ces hyènes ne mesurait pas moins de six pieds du bout du museau à l’extrémité de la queue ; elle avait trois pieds de tour.

Le 4 juin nous levâmes le camp. Après avoir fait, à l’ouest, environ trois milles, où nous rencontrâmes plusieurs nappes d’eau salée, nous primes au nord-ouest, en suivant le pied des collines qui séparent l’Ougogo de l’Ouyanzi.