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nocemment par l’affirmative, lorsque Mabrouki, toujours attentif aux intérêts du maître, m’avertit de ne rien dire, ces trois hommes n’attendant ma réponse que pour m’accuser d’avoir fait évader les fugitifs, et pour m’en réclamer la valeur, suivant la coutume du pays.

Indigné du complot, je saisis mon fouet pour en châtier les perfides ; mais d’une voix tonnante : « Prenez garde, maître ! s’écria mon fidèle ; autant de coups, autant de fois trois ou quatre dotis de bonne étoffe. » Ne me souciant pas d’épancher ma bite à si grands frais, j’étouffai ma colère, et mes visiteurs s’éloignèrent impunis.

On se reposa le lendemain, ce qui fut pour moi un grand soulagement ; la fièvre, que j’eus cette fois pendant quinze jours, me faisait horriblement souffrir, et m’empêchait de mettre tous les soirs mes notes au courant, ainsi que j’en avais l’habitude.

Bien que ses sujets fussent d’avides gredins, toujours prêts au vol et au meurtre, le chef de Bihahouana se montra modéré et n’exigea qu’un tribut de douze mètres. J’eus par lui des nouvelles de ma quatrième caravane, qui s’était distinguée dans un combat avec quelques-uns de ses bandits. Au moment où ces derniers entraînaient deux de mes porteurs, mes soldats étaient arrivés et avaient frustré les brigands de leur espoir. « Si toutes les caravanes étaient défendues de la sorte, me dit le chef, il y aurait moins de danger sur la route. » Vérité que je reconnus avec lui.

À Kididimo, où nous arrivâmes le 30 mai, et qui n’était pas à plus de quatre milles de Bihahouana, demeurait un autre sultan. La marche avait eu lieu dans une plaine étroite, flanquée sur les deux rives d’une chaîne de collines, semées de nombreux baobabs.

Rien de moins attrayant que l’aspect de Kididimo : tout chauffé à blanc par le soleil, jusqu’aux visages des habitants qui paraissaient blafards, sous le reflet de cette blancheur générale. L’eau des citernes, la seule du voisinage, ressemblait à de l’urine de cheval surchauffée. Elle rendit les ânes malades ; deux d’entre eux en moururent au bout d’une heure. Chez l’homme, elle produisit des douleurs d’entrailles, des nausées et une irritation de tous les organes qui se traduisit par les malédictions les plus vives, adressées au pays et à son chef imbécile ; irritation qui arriva au comble, lorsque après avoir débattu le honga, Bombay vint nous dire que le sultan exigeait dix dotis, et n’en voulait pas démordre. Toutefois, affaibli par la fièvre, je n’étais pas d’humeur à contester la somme, et le sultan fut payé. Les Arabes conti-