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Très-agréable le poste de chef de district dans cette contrée : une sinécure et fort rénumératrice. D’un seul boma, notre homme venait de tirer cent quatre-vingt-huit mètres de cotonnade : mérikani, barsati, kaniki et dabouana ; vingt-huit d’étoffes supérieures, telles que réhani, sohari, dabouaui oulyah, et dix rangs de perles noires ; en somme, près de cinquante dollars ; ce qui est une bonne journée pour un Mgogo.

Le lendemain, 27 mai, nous quittâmes cette résidence royale, en secouant avec joie la poussière de nos pieds ; et nous continuâmes à marcher vers l’occident.

Cinq de mes ânes étaient morts la veille, des suites de l’eau nitreuse du Marenga Mkhali. Avant de partir, j’allai voir ce qu’ils étaient devenus ; il n’en restait que les os complètement nettoyés par les hyènes, et dont une armée de corneilles à cravate blanche avait pris possession.

Tout le pays n’était qu’un vaste champ de grain. Partout des villages ; de Mvoumi, à la station suivante, je n’en vis pas moins de vingt-cinq, dispersés dans la plaine rougeâtre, qui, malgré sa nature inhospitalière, était bien mieux cultivée que pas une des provinces que nous avions traversées jusque-là.

En comptant par vingtaines les gens qui se groupaient sur la route pour voir le Mousoungou, je ne m’étonnai plus des exigences de leur chef. Il était évident qu’ils n’auraient eu qu’à étendre la main pour s’emparer de tout ce que nous possédions : et je commençai à prendre meilleure opinion d’un peuple, qui, ayant le sentiment de sa force, s’abstenait d’en user ; d’un peuple assez intelligent pour comprendre que son intérêt, quelle que fût la tentation, était de laisser passer les caravanes, sans leur imposer autre chose qu’un droit de transit.

Arrivés à Matambourou, nous y trouvâmes la même affluence de curieux, la même ardeur à nous voir, les mêmes éclats de rire, les mêmes cris d’étonnement provoqués par notre extérieur ou par nos manières. Mes Arabes, dont les pareils se voyaient tous les jours, étaient à l’abri de ces vexations.

Le chef, un homme à tête massive, bien attachée sur de fortes épaules — celles d’un Milon de Crotone — se montra raisonnable. Moins puissant que l’autre, bien qu’il eût quarante villages et des forces suffisantes pour nous opprimer s’il l’avait voulu, il accepta les quatre dotis que nous lui envoyâmes comme préliminaire, et déclara qu’il serait satisfait si le Mousoungou et les Arabes lui en envoyaient encore autant.