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— Si j’avais seulement vingt hommes de ma race, m’écriai-je en apprenant cette demande exorbitante, vingt hommes blancs armés de carabines à répétition, ce serait à nous que ce chef paierait tribut. » Mais Thani me supplia de modérer mes paroles, de peur que ma colère n’irritât le sultan, et ne nous fit réclamer double honga, ce dont le vilain homme était capable.

— Il faut céder, continua le vieil Arabe ; si vous refusiez ce serait la guerre ; vos porteurs déserteraient et vous laisseraient, vous et vos bagages » à la merci des Vouagogo. »

Je me hâtai de calmer ses craintes en lui disant que j’avais mis de côté cent vingt dotis d’étoffe à honga, ce qui me permettait d’en donner quarante, sans trop de peine. Sur ce, j’ordonnai à Bombay d’ouvrir le ballot et je priai Thani de vouloir bien prendre l’étoffe qui pourrait convenir au sultan.

Toute réflexion faite, et sur l’avis du Cheik Hamed, ainsi que des deux esclaves, le bon Arabe me conseilla d’envoyer seulement douze dotis, dont trois d’Oulyah ; laissant à nos mandataires le soin de persuader au sultan que le Mousoungou n’avait tant de bagages que parce qu’il emportait deux bateaux, qui ne pouvaient être d’aucune utilité au chef d’un pays sans rivière et sans lac. Pas besoin de dire que cet avis plein de sagesse eut mon approbation.

Les esclaves repartirent cette fois avec trente dotis, et accompagnés de tous nos vœux pour le succès de leur message. Une heure après ils revinrent les mains vides, mais sans avoir terminé. Le chef réclamait encore au Mousoungou six dotis de calicot, plus dix rangs de perles noires, et douze dotis aux Arabes, On les lui envoya. Il les prit ; puis ajouta que l’étoffe du Mousoungou étant de courte mesure, et celle des Arabes de piètre qualité, il redemandait au Mousoungou trois grands dotis, et aux autres cinq dotis de kaniki.

Je fis mesurer mes douze mètres par celui de mes hommes qui avait les bras les plus longs, et je les envoyai par Bombay.

Quant aux Arabes ils se récrièrent : c’était les ruiner, disaient-ils ; et des vingt mètres qu’on leur réclamait, ils n’en donnèrent que huit, suppliant le chef de considérer que l’étoffe qu’il avait déjà reçue formait un honga très-honorable. Mais nullement disposé à reconnaître cette vérité, le chef profita de l’occasion pour exiger que le reste lui fût payé en étoffe plus précieuse : huit mètres en oulyah, quatre en barsati kitambi. Il fallut en passer par là, et le tyranneau eut son étoffe, accompagnée des soupirs de Thani et des malédictions d’Hamed.