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boma justifièrent pleinement tout ce que l’on m’avait dit de la richesse de ce territoire. Du lait doux et caillé, du maïs, du sorgho, du millet, du miel, des haricots, du beurre fondu, des arachides, une espèce de fève, ressemblant à une grosse pistache ou à une amande, des pastèques, des melons musqués, des citrouilles, des concombres nous furent apportés, et cédés pour du merikani, du kaniki, des perles blanches américaines, et des perles rouges dites de corail ou samé samé.

Ce marché, qui dura depuis le matin jusqu’au soir, me rappela les coutumes commerciales des Abyssiniens et des Gallas. Jusqu’ici, à partir de la côte, les chefs de caravane sont obligés d’envoyer dans les villages et d’y faire acheter les vivres dont ils ont besoin. Dans l’Ougogo ce sont les naturels qui viennent trouver les caravanes et qui leur présentent tout ce qu’ils ont d’échangeable. Nos vendeurs y mirent un extrême empressement ; les moindres bribes de cotonnade, bleue ou blanche, furent acceptées par eux avec joie, voire une vieille ceinture usée jusqu’à la corde.

Le lendemain fut un jour de halte ; nous avions à payer le tribut, dont l’omission eût allumé la guerre. Dès le matin, le prudent Thani et l’actif Hamed s’occupèrent de cette affaire importante. Deux de leurs esclaves, doués d’une parole facile, rompus au trafic, connaissant bien les chefs et les usages du pays, portèrent pour nous au sultan vingt-quatre mètres d’étoffes diverses : huit mètres de kaniki au nom du cheik Hamed, huit de mérikani satiné, envoyé par le cheik Thani ; enfin quatre de barsati et autant de dabouani oulyah de la part du Mousoungou. Ce n’était là qu’un à-compte.

Au bout d’une heure les esclaves revinrent, ayant dépensé leur éloquence en pure perte : l’envoi, trouvé insuffisant, n’avait pas même été reçu.

« Mauvais homme, me dit le vieux Thani en me rendant compte du résultat de la démarche ; mauvais homme que ce sultan, mauvais, mauvais ! Le Mousoungou, a-t-il répondu à nos émissaires, est un haut personnage ; c’est un grand chef, il est très-riche ; j’ai vu passer plusieurs caravanes qui lui appartenaient. Il paiera donc quarante dotis (cent vingt mètres) et les Arabes chacun douze dotis ; car eux-mêmes ont un grand nombre de porteurs. Ne me répétez pas que vous ne formez à vous tous qu’une seule caravane. S’il en était ainsi, pourquoi auriez-vous des drapeaux et des tentes en pareille quantité ? Allez-vous-en, et rapportez-moi soixante-quatre dotis ; je ne recevrai pas moins.