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de six mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Elle limite au nord, ainsi que nous l’avons dit, la grande plaine située à l’ouest de l’Ougombo, et celle du Marenga Mkhali, qui s’étend au delà des frontières de l’Ouhoumba. En face du Mpouapoua, à une distance d’environ trente milles, se dresse l’Anak, grand pic du Roubého, ainsi que d’autres monts ambitieux, dont les sommets forment une crête aux longues rangées d’escarpements, qui surgissent de la plaine, escarpements rectilignes, non moins réguliers que si les matériaux en avaient été façonnés et disposés de main d’homme.

Séduit par la vue de ses pentes admirablement boisées, par la pureté de ses ruisseaux, bordés de massifs buissonnants, de gracieux mimosas, d’énormes sycomores, par ses grands cônes, derrière lesquels je me représentais de riantes perspectives, je bravai la fatigue d’une escalade.

Mon amour du pittoresque ne fut pas désappointé. Du sommet, j’eus sous les yeux une étendue de plaines et de montagnes, allant du pic d’Ougombo à l’Ougogo, et du Roubébo jusqu’aux terrains des féroces Vouahoumba : une aire de plusieurs centaines de milles carrés. Dans la plaine, des collines que la nature semblait avoir semées au hasard, en un jour de hâte, apparaissaient comme autant d’îles sur un océan tigré de vert et de brun. Où le sol était dénudé, se montraient de larges espaces d’un roux blanchâtre, que, de temps à autre, assombrissaient les nuages.

Pour le chasseur, il y avait un paradis dans cette plaine, dont les retraites abritent une venaison abondante ; pour moi, qui savais ne trouver dans ses plis qu’une eau amère, l’aspect m’en était moins agréable ; c’était le triste côté du tableau. Mais au pied des monts, la jungle avait des éclaircies, les bois se déchiraient, et l’on apercevait des champs de maïs, de sorgho, de millet, avec çà et là quelque tembé[1]. Puis, toujours plus près de moi, couraient des bandes étroites d’herbe nouvelle, et se déployait une prairie alluviale entourée de grands arbres.

Des filets d’eau, contenus dans un grand lit de rivière, distribuaient à ces champs altérés l’élément vivifiant, si rare et si précieux dans cette partie de l’Ousagara. Sur la pente qui rejoignait ce ruisseau, gisaient de gros blocs de basalte, et des quartiers de roche tombés d’un escarpement supérieur ; énorme rocaille por-

  1. Village carré, de nature particulière, dont on verra plus loin la description.(Note du traducteur.)