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répétant ses jurons, l’imitait de la façon la plus risible ; et je comprenais que personne ne voulût supporter ces malédictions perpétuelles. Cependant comme il fallait en finir, j’usai d’autorité ; Jako, le seul de la bande qui, avec Bombay et Sélim, parlât anglais, Jako fut désigné, malgré ses prières, et Leucolé fut satisfait.

Des perles blanches, du kaniki et du merikani pour vivre largement pendant six mois ; plus huit mètres de drap de qualité supérieure, qui devaient être offerts au chef après la guérison du malade, furent portés à celui-ci, auquel je fis remettre en même temps une carabine de Starr, des munitions pour trois cents coups, des ustensiles de cuisine et trois livres de thé.

Abdallah ben Nasib était alors campé dans notre voisinage avec cinq cents porteurs et une suite nombreuse, composée d’Arabes et de Vouasahouahili, qui gravitaient dans le cercle où les retenait son importance. Il vint me trouver — c’était un homme de grande taille, d’une cinquantaine d’années, et plein de vigueur — il vint me trouver, dis-je, accompagné de ses satellites, et me demanda si, par hasard, je n’avais pas besoin d’acheter des ânes. Tous les miens étaient malades ou moribonds ; je répondis affirmativement. Il me dit alors avec la plus grande affabilité qu’il me vendrait tous ceux qui pourraient m’être nécessaires, et qu’il recevrait en payement une traite sur Zanzibar.

Enchanté de ce noble Arabe, trouvant qu’il justifiait complètement les éloges que lui avait donnés Burton, j’eus pour lui tous les égards dus à un homme d’un si haut rang et d’une si touchante bonté. Le lendemain matin, sans me prévenir, sans m’envoyer le moindre mot d’adieu, Abdallah ben Nasib ou Kisésa, ainsi que l’appellent les Vouanyamouézi, prenait la route de Bagamoyo avec ses satellites, ses pagazis et tous ses ânes, me traitant à peu près comme Ben Soulayyam avait traité le capitaine Speke[1].

On rencontre ici généralement de dix à trente porteurs disposés à suivre les caravanes remontantes. Je fus assez heureux pour louer une douzaine de ces braves gens, qui, arrivés dans l’Ounyanyembé, se réengagèrent tous et m’accompagnèrent jusqu’à Oujiji. En face des tirikézas qui nous attendaient, je me félicitai d’autant plus de cette bonne fortune, qu’il ne me restait que dix ânes dont quatre pouvaient à peine se traîner.

Le Mpouapoua, ainsi que prononcent les Arabes, est le Mbamboua des Vousagara. C’est une chaîne de montagnes, s’élevant à plus

  1. Voir Burton, Voyage aux Grands Lacs, page 435.