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rapports ne manqueraient pas de se faire ; et vous en devinez les conséquences. Bonsoir. »

Il ne fut plus question de l’incident ; la première fois que j’en ouvris la bouche, ce fut pour le raconter à Livingstone. « Il voulait vous tuer ! » s’écria celui-ci, donnant un corps à mes soupçons.

Mais quelle stupidité que ce meurtre ! Assurément, s’il m’avait tué, mes hommes l’en auraient puni à l’instant même ; et s’il voulait se défaire de moi, il en aurait eu, pendant la marche, des occasions cent fois meilleures. Je ne peux m’expliquer le fait que par un accès de folie.

Le 16 nous traversions la plaine qui est à l’ouest de l’Ougombo, rasant de temps à autre une chaîne rocailleuse et basse, formée de trapp, dont une violente secousse avait déplacé d’énormes blocs. Des baobabs, des tamariniers gigantesques et une variété d’arbres épineux, croissaient dans cette plaine. Au flanc des rochers se trouvaient des euphorbes arborescents, d’une taille que je n’avais pas vue à ceux d’Abyssinie[1].

Nous marchions depuis cinq heures, lorsque nous vîmes les montagnes s’infléchir au nord-est.

La ligne que nous suivions se dirigeait au nord-ouest et nous faisait de la sorte éviter le Roubého, que nous laissions à notre gauche, où il s’élevait jusqu’aux nues. Au lieu de cette passe « terrible, » ainsi que l’a qualifiée Burton, nous n’avions à rencontrer qu’une vaste plaine, dont la pente s’inclinait doucement vers l’Ougogo.

Après une marche de quinze milles nous nous arrêtâmes au bord du Matamombo, dont le lit desséché est connu pour renfermer des étangs d’une eau amère et de couleur rouge. Les singes et les rhinocéros étaient nombreux dans le voisinage, ainsi que différentes antilopes parmi lesquelles se remarquaient les steinboks[2] et les coudous. C’est là que je perdis mon pauvre Omar, presque à l’entrée de l’Ougogo, où sa vigilance m’eût été si précieuse. Il mourut d’une inflammation d’entrailles, contractée dans le marais de la Makata.

La marche suivante fut également de quinze milles, et dans une

  1. D’après Burton, l’euphorbe atteint dans cette région de douze à treize mètres de hauteur ; sa tige ligneuse et dure, porte une masse de rameaux nus, en forme de cloche, impénétrable aux rayons du soleil. (Note du traducteur.)
  2. Tragulus rupestris, antilope dama, antilope ibex, de la taille d’une chèvre ; recherche les lieux élevés, les pays arides ; il vit solitaire ou par couple. A été fort nombreux dans le midi de l’Afrique. (Note du traducteur.)