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d’eau sur une longueur de quatre cents pieds, je suivis le côté nord du lac. Pour aller d’une extrémité à l’autre, il me fallut une heure et demie ; d’où je conclus, cette ligne étant la plus grande, que l’Ougombo a trois milles de long sur deux de large, à l’endroit où il est le plus développé.

Sa rive, jusqu’à seize mètres au moins du bord de l’eau, est un marais infranchissable, rempli de joncs et de grandes herbes, où l’hippopotame s’ouvre un passage et creuse des canaux qui sont les traces de ses excursions nocturnes. Ici viennent s’abreuver la girafe, le buffle, le zèbre, le sanglier, l’hyrax et de nombreuses antilopes. Des myriades d’oiseaux, d’une variété surprenante, tels qu’ibis, canards, cygnes noirs, grues et pélicans, animent la surface de l’onde. Des rapaces, aigles-pêcheurs et autres, planent au-dessus d’eux, choisissant leur proie, tandis qu’aux alentours retentissent le cri de la pintade, celui du toucan, la plainte du pigeon, le houloulement du hibou, et, dans les herbes voisines, l’appel du florican, de la bécasse et du tétras.

Je restai là pendant deux jours ; un de mes hommes, un Hindi, appelé Jako, tonnelier de son état, avait déserté avec l’une de mes carabines ; j’avais envoyé à sa recherche ; il fallait bien l’attendre. J’en profitai pour explorer les bords du lac. Au pied rocheux d’une colline arrondie et peu élevée, située sur la rive nord, à quinze pieds environ au-dessus du niveau actuel de l’eau, se voyait distinctement l’action des vagues ; et de la base de cette colline, jusqu’à la lisière du marais, des lignes étroites de coquilles brisées étaient marquées aussi nettement que celles qu’on trouve sur la plage à marée basse. Il n’est pas douteux qu’un géologue habile n’eût suivi beaucoup plus haut les traces des vagues sur le grès. Pour moi, les marques les plus apparentes devaient seules être visibles ; toutefois elles m’ont frappé ; et l’examen des environs, surtout de la plaine occidentale, m’a persuadé que l’Ougombo n’est que le reste d’un lac dont l’étendue fut jadis celle du Tanganika. Une crue de douze pieds lui donnerait, encore aujourd’hui, trente milles de long sur dix de large ; une de trente pieds porterait sa longueur à cent milles, et sa largeur à cinquante. L’exploration que je fis, pendant ces deux jours, de la grande plaine déprimée qui se développe au couchant ne me laisse aucun doute à cet égard. Enfin les eaux du lac partagent quelque peu la nature saumâtre du Matamombo, noullah[1], dont elles se trouvent

  1. Mot consacré par Burton, qui l’a emprunté aux Hindous. C’est un lit de rivière