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« Vous écrirez, j’espère ; nous serons toujours heureux d’avoir de vos nouvelles. » Que de fois dans ma vie errante et fiévreuse j’ai entendu les mêmes paroles ! Que de fois j’ai subi la même angoisse, en quittant des amis non moins chers que ces derniers !

Mais un reporter volant doit savoir souffrir. Comme le gladiateur dans l’arène, il doit être prêt au combat ; un moment de faiblesse ou d’hésitation, et il est perdu. Le gladiateur va à la rencontre du fer qui est aiguisé pour sa poitrine ; le reporter court au devant de l’ordre qui peut l’envoyer à la mort. Festin ou bataille, c’est toujours la même formule : « Préparez-vous et partez. »

À trois heures j’étais en route. Obligé de m’arrêter à Bayonne, je n’arrivai à Paris que dans la nuit suivante. J’allai directement au Grand-Hôtel, et frappai à la porte de M. Bennett.

« Entrez, » dit une voix.

Je trouvai M. Bennett au lit.

« Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

— Stanley.

— Ah ! oui. Prenez un siège ; j’ai pour vous une mission importante. »

Il se jeta sa robe de chambre sur les épaules, et me dit vivement :

« Où pensez-vous que soit Livingstone ?

— Je n’en sais vraiment rien, monsieur.

— Croyez-vous qu’il soit mort ?

— Possible que oui, possible que non.

— Moi, je pense qu’il est vivant, qu’on peut le trouver, et je vous envoie à sa recherche.

— À la recherche de Livingstone ! Mais c’est aller au centre de l’Afrique ! Est-ce là ce que vous entendez ?

— J’entends que vous partiez, que vous le retrouviez, n’importe où il soit, que vous rapportiez de lui toutes les nouvelles possibles ; et qui sait !… le vieux voyageur est peut-être dans le besoin. Prenez avec vous tout ce qui pourra lui être utile. Naturellement vous suivrez vos propres idées ; faites comme bon vous semblera ; mais retrouvez Livingstone. »

Très-surpris de cet ordre qui m’envoyait froidement n’importe où, chercher un homme que presque tout le monde croyait mort, je posai cette question :

« Avez-vous réfléchi, monsieur, à la dépense qu’occasionnera ce voyage ?