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mauvaise humeur, Shaw me répondit qu’il était venu en toute hâte. Je ne l’en priai pas moins de changer d’allure, ou, s’il ne le pouvait pas, de mettre pied à terre, afin qu’on prît son âne pour le charger. Ce fut l’occasion d’une petite scène ; mais le voyageur, quoi qu’il arrive, doit souper avec le compagnon qu’il s’est choisi.

Nous arrivâmes à quatre heures à Madété ; deux ânes étaient morts pendant le trajet.

Une heure avant nous avions repassé la Moukondokoua. En relevant la direction, j’avais acquis la certitude que cette rivière prend sa source dans un groupe de montagnes situé à peu près à quarante milles au nord-ouest du pic de Ngourou. La route que nous suivions courait à l’ouest-nord-ouest ; à Madété, elle s’éloigna définitivement de la rivière.

Le 14, la marche eut lieu tout entière sur des collines, où, çà et là surgissaient le grès et le granit, et dont l’aspect rigide semblait se refléter dans chaque buisson, dans chaque plante. Cette marche de sept milles nous fit arriver à une hauteur d’environ deux cent cinquante mètres au-dessus de la Moukondokoua. Nous vîmes alors à nos pieds une nappe d’eau de couleur grise. La vue n’en était pas belle, mais rafraîchissante ; elle reposait de l’aridité voisine.

Rien dans les alentours qui pût éveiller l’enthousiasme : ni sommets pittoresques, ni riants paysages. À l’extrémité occidentale, un pic d’un brun sombre, pic de trois cents mètre de hauteur, qui s’appelle l’Ougombo, et qui donne son nom au lac. Une petite chaîne, irrégulière et basse, du même brun foncé, courait au nord, à un mille de distance, parallèlement à la rive ; enfin, au couchant, une grande plaine allait se perdre au loin vers les montagnes de Mpouapoua et vers le Marenga Mkhali ; et nos yeux, se détournant de cette brune étendue, s’arrêtaient avec plaisir sur l’eau grise et tranquille.

La forme du lac ressemblait, pour moi, à celle qu’aurait une carte d’Angleterre, dont on aurait retranché le pays de Galles. L’extrémité du côté de l’ouest, où des hippopotames jouaient en grand nombre, me représentait le Northumberland d’une façon très-exacte. Le rivage anglais, qui regarde la mer du Nord, avec ses grandes courbes et ses larges estuaires, m’était rappelé, en miniature, paf la rive septentrionale ; tandis que le bord très-allongé du côté de l’est, me paraissait copié sur la grande ligne qui va du Kent à la Cornouailles.

Quittant le haut du chaînon, qui, à l’orient, borne la nappe