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— Pourquoi alors vous arrêtez-vous ?

— L’eau est trop grande, » 

L’un d’eux pour en indiquer la profondeur tira une ligne idéale autour de ses hanches ; un autre se mit la main en travers de la poitrine, un troisième à la gorge, un quatrième au-dessus de la tête, voulant dire qu’il faudrait nager.

Faire à la nage cinq milles dans un marais plein d’herbe, ce n’était pas possible ; mais il ne l’était pas davantage qu’une pareille divergence d’opinions exprimât la vérité. Je fis donc avancer les soldats et les ânes, que suivirent les pagazis ; et, après trois heures de barbotage dans quatre pieds d’eau, nous abordâmes sur une terre sèche.

De marais était franchi ; mais les horreurs de cette marche nous avaient laissé une impression durable. Personne ne pouvait en oublier les fatigues, ni les nausées. Impression douloureuse que la suite rendit encore plus vive. À dater de cette époque, nos ânes moururent par deux et trois chaque jour ; il n’en resta plus que cinq, entièrement épuisés. Soldats et pagazis eurent des maux sans nombre ; moi-même je fus mis aux portes du tombeau par une dyssenterie aiguë. Peut-être en aurais-je souffert moins longtemps, sans la confiance que m’inspirait la chlorodyne de Collis Brown, et qui retarda l’emploi judicieux de la poudre de Dover. Cette chlorodyne qui a reçu tant d’éloges, et dont j’ai usé trois flacons, ne m’a jamais donné aucun résultat, ni dans la dyssenterie, ni dans la diarrhée ; elle n’a même pas amoindri l’effet du mal.

Combien je regrettais d’être parti pendant la mauvaise saison ! Toutefois il n’y eut dans notre bande que deux victimes de cet affreux marais ; un pagazi et mon chien, mon pauvre Omar, qui m’accompagnait depuis mon départ de l’Inde.

Le seul arbre important de la vallée de la Makata est le palmyra (borassus flabelliformis) ; il y croit, à certaines places, en nombre suffisant pour former des massifs qu’on peut appeler des bois. Au moment de notre passage, le fruit n’en était pas mûr, nous l’avons regretté ; c’eût été pour nous du fruit nouveau dans toute la force du terme. On ne voit ensuite, dans cette plaine, que des arbres épineux d’espèces diverses, arbres très-secondaires, et un mimosa parasol, dont la cime gracieuse est toujours verte.

Le 4 mai, après avoir monté une faible pente, nous nous arrêtâmes à Réhennéko, premier village de l’Ousagara, où nous avons campé. C’est un gros bourg, placé au pied de la montagne, bien