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de l’Arkansas, en vint à n’avoir plus de visible que le fourneau de sa pipe.

Shaw était malade ; j’étais seul pour tout conduire. Les ânes plongeaient dans la vase et y prenaient racine. Quand à force de coups l’un était sorti, l’autre enfonçait, puis un autre, puis un autre, et toujours et toujours.

Deux heures de ce travail de Sisyphe, travail affolant avec des aides tels que Bombay et Oulédi, qui, pour sauver leur peau, n’auraient affronté ni l’orage ni la peine, deux heures de ce travail, sous une pluie battante, nous avaient fait avancer d’un mille et demi, ce dont je me réjouissais, lorsqu’un ravin, transformé en rivière, nous arrêta. Il fallut décharger les ânes, les traîner dans le torrent, les recharger sur l’autre bord ; une heure y fut employée.

Un bois est traversé, chacun s’y attardant. Ensuite nouvelle rivière, plus large et plus profonde. Le pont ayant disparu, nous passons à la nage, en faisant flotter les ballots ; ce qui demande une couple d’heures. Puis dans l’eau jusqu’à mi-jambe, parfois jusqu’au menton ; et pateaugeant, barbotant, ou chancelant dans la vase, au milieu des tiges de sorgho et des herbes trempées, nous suivons la rive gauche de la Makata proprement dite, jusqu’au moment où l’un de ses coudes nous empêche d’aller plus loin. Dix heures de route ; nous avions fait six milles.

À demi mort de fatigue, je n’en éprouvais pas moins une vive satisfaction : personne n’avait la fièvre ; c’était miraculeux. Si jamais endroit fut destiné à la faire naître, c’était ce désert maudit. Rien que la vue de ces bois ruisselants, enveloppés de brume, de ces rangées d’herbes couchées par l’inondation limoneuse, de ces monceaux d’arbres pourrissant dans des amas de roseaux, de cette rivière gonflée, de ce ciel en pleurs, suffisait pour donner la fièvre ; et le Khambi, avec ses tas d’ordures, pour créer le choléra.

La Makata, dont la largeur n’excède pas quarante pieds en temps de sécheresse, prend dans la saison pluvieuse l’étendue, la profondeur et l’impétuosité d’une rivière importante. Si la masika est exceptionelle, le ruisseau couvre la plaine d’un bord à l’autre, et se transforme en lac

À dix milles à peu près, et au nord-est, du point où nous étions, la Grande et la Petite-Makata, la Roudéhoua, ainsi qu’un petit cours d’eau innommé, se réunissent et forment le Vouami, qui se jette dans la mer entre Saddani et Vhouindé ; c’est le fleuve qui, dans tout l’Ousagara, porte le nom de Moukondokoua. Trois